Retour à Reims (Fragments) : un documentaire captivant et engagé.

Librement adapté de l’essai autobiographique éponyme de Didier Eribon, avec la voix off de Adèle Haenel, Jean-Gabriel Périot réalise un documentaire intimiste et ambitieux qui ausculte la classe ouvrière française des années 1950 à nos jours : au cinéma le 30 avril 2022.

Un essai autobiographique

Retour à Reims est, à l’origine, un essai autobiographique du philosophe et sociologue Didier Eribon, paru en 2009 aux Éditions Fayard.

À la mort de son père, l’auteur retourne dans sa ville natale qu’il a quittée pour Paris à l’âge de 20 ans et se replonge dans l’histoire de sa famille pour raconter son itinéraire de transfuge de classe.

Ce provincial issu d’une famille d’ouvriers qui a réussi à rompre avec son modèle social familial, analyse son trouble face à son identité homosexuelle, sa honte de sa condition sociale, mais également les raisons qui ont poussé les classes populaires, abandonnées par la gauche, à se jeter dans les bras du Front National.

Une adaptation en documentaire

Très attaché au format du documentaire, Jean-Gabriel Périot réalise à partir de 2002 des courts métrages, puis deux longs métrages marquants : Une jeunesse allemande qui retrace l’histoire du groupuscule terroriste Fraction armée rouge en 2015 et Nos défaites en 2019 qui questionne le rapport de lycéens d’Ivry-sur-Seine aux évènements de Mai 68, montrant l’absence de transmission des luttes passées.

Malgré un détour par la fiction en 2017 avec Lumières d’été, il développe un langage propre construit autour de l’exploitation d’archives filmiques et photographiques : « Je fais des films parce que je ne sais pas. Je cherche. Je tente d’y voir plus clair, en m’efforçant au moins de savoir comment énoncer des questions. C’est pour moi une manière d’ouvrir un espace de réflexion, contrairement à ce qui est de l’ordre du télévisuel ou du documentaire mainstream, forclos sur lui-même et indolore pour le spectateur. »

Face à la richesse du texte original, il fait le choix de l’épure en focalisant sur l’histoire de la classe ouvrière pour réaliser un album photo cinématographique ; des années 1950, à son basculement vers l’extrême droite, jusqu’au mouvement des Gilets Jaunes.

Hakim Aoudia.