Hilary Mantel, l’autre reine d’Angleterre !

Essentiellement connue en France pour ses romans historiques, notamment sa trilogie, Le Conseiller, autour du personnage de Thomas Cromwell, l’écrivaine britannique Hilary Mantel disparaissait le 22 septembre 2022. C’est la première et seule écrivaine à avoir obtenu le Man Booker Prize deux fois de suite, en 2009 et 2012. 

Une vie marquée par la maladie 

Hilary Mary Mantel nait le 6 juillet 1952 à Glossop en Angleterre, au sein d’une famille catholique d’origine irlandaise. 

Dès l’adolescence, elle souffre de troubles que les médecins n’arrivent pas à diagnostiquer. On évoquera même des troubles psychiques, sans plus de résultats. 

Attirée par le droit, elle étudie à la London School of Economics, puis à l’université de Sheffield. Férue de politique, elle milite au sein de mouvements d’extrême gauche. 

Finalement, après des années de recherches, on lui diagnostique une forme grave d’endométriose. En conséquence, elle doit faire le deuil de la maternité, suivre un traitement à vie, subir des opérations chirurgicales et surtout : la maladie modifie son apparence physique. 

Contrainte, elle met sa carrière politique de côté et suit son mari, géologue, dans ses différentes missions à travers le monde. Ainsi, elle donne des cours d’anglais en Afrique et au Moyen-Orient, de la fin des années 1970 jusqu’au milieu des années 1980, lorsqu’elle rentre en Angleterre. 

Une reconnaissance tardive 

Mais cette vie dans l’ombre la pousse également vers l’écriture. Dès 1974, elle ambitionne d’écrire un roman sur la Révolution française en deux volumes. Cinq ans sont nécessaires à l’aboutissement du projet, sans qu’elle ne réussisse à le publier : « À l’époque, je n’ai cependant pas pu le vendre ni même convaincre un seul éditeur de le lire. Ce n’était pas un bon moment pour les romans historiques et, de plus, je n’étais personne. Avant de pouvoir enfin lui trouver un éditeur, il a fallu que j’écrive quatre romans de fiction. Ce que je n’ai pas regret­té, parce que j’ai longtemps espéré que Révolution soit lui aussi publié un jour. » Finalement l’ouvrage parait en 1992.

Entre temps, Hilary Mantel publie des romans contemporains mêlés de fantastique. C’est le cas de son premier roman, C’est tous les jours la fête des Mères, publié en 1985. Il s’agit d’une critique sociale empreinte d’humour noir. L’histoire d’une mère médium, persuadée que sa maison est hantée par des esprits malveillants. De sa fille, handicapée mentale, aux prises avec une grossesse mystérieuse. Et de services sociaux complètement dépassés par la situation. 

Un immense succès 

Le succès arrive avec sa trilogie Le Conseiller. Ici, elle traite de l’un des épisodes les plus connus de l’histoire anglaise. Mais aussi de l’une de ses figures les plus détestées : Thomas Cromwell.

En effet, à l’époque, le roi Henri VIII souhaite faire annuler son mariage avec Catherine d’Aragon pour épouser Anne Boleyn. Thomas Cromwell, qui est son principal ministre, manipule le Conseil et la Chambre des communes, menace le clergé et use de tout son savoir-faire pour mener le projet à son terme. De plus, comme principal acteur de la Réforme en Angleterre, il officialisera la rupture avec l’Église catholique romaine. 

Nous connaissons tous la fin de l’histoire, Cromwell sera décapité et sa tête exhibée sur une pique sur le pont de Londres. 

La grande force d’Hilary Mantel est d’avoir su humaniser Thomas Cromwell. 

Elle explore les motivations du personnage, bien au-delà de l’ambition démesurée et de la cruauté dont on l’affuble en général. On découvre un homme mu par un puissant instinct de survie et doté d’une intelligence hors du commun. De plus, elle inverse la focale en le faisant le narrateur du récit. Ainsi, le lecteur est obligé de pénétrer les pensées de Cromwell, pour découvrir une personnalité subtile, complexe et beaucoup plus humaine qu’on ne pouvait se l’imaginer. 
 

À noter qu’elle marque l’histoire des lettres anglaises en obtenant le Man Booker Prize, l’équivalent britannique du prix Goncourt, par deux fois, en 2009 et 2012 pour le premier et second volume de cette trilogie. 

Des adaptations 

Régulièrement représenté sur scène par la Royal Shakespeare Company, Le Conseiller est également adapté en série par la BBC. 

Cette remarquable adaptation, réalisée par Peter Straughan, est portée par le non moins remarquable Mark Rylance, dans le rôle de Thomas Comwell.

Comme le fait Hilary Mantel avec ses livres, Dans l’ombre des Tudors prend le contrepied du caractère violent, spectaculaire et sexuel de l’histoire. La série se concentre plutôt sur l’irrémédiable accession au pouvoir d’un homme tenace et extrêmement intelligent. 

Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter de bonnes lectures et de bons visionnages ! 

Hakim Aoudia.