Rien À Perdre (RAP de meufs) : Intro !
Rap féminin Lala &ce Chilla Shay

Rien À Perdre (RAP de meufs) : Intro !

Hakim Aoudia - Publié le

Temps de lecture : 3 minutes

T’aimes le rap et t’es féministe ? Loin du désir de parler encore des rappeurs et de leurs pratiques parfois encore sexistes et misogynes, nous tâcherons ici de mettre en lumière des rappeuses, qui s’imposent, qui explosent, et se font une place sans attendre qu’on la leur donne. 

Comment peut-on aimer le rap et être féministe ? 

Depuis les années 70 et à partir des ghettos noirs des États-Unis déferle la vague rap et R’n’B. Cette contreculture portée alors par de jeunes hommes noirs dénonce pêle-mêle racismes, violences policières, pauvreté héréditaire… 

Arrivé en France dans les années 80, le RAP est associé à la banlieue, à la virilité, au machisme. Ainsi, le rap c’est un truc de mec, un truc de « bonhomme » qui ne laisse pas la place aux femmes. On se rappelle sans trop de difficulté la sortie de la chanson Sale pute d’Orelsan, en 2006. Un texte dans lequel un homme trompé déverse sa haine sur son ex, allant jusqu’à déclarer : « Je te déteste, j’veux que tu crèves lentement // J’veux que tu tombes enceinte, et qu’tu perdes l’enfant […] ».

Une chanson qui aurait pu mettre fin à la carrière du chanteur. Comme il l’explique dans la série Ne montre ça à personne, disponible sur Amazon Prime Video. Et pourtant, ce titre reste l’un des plus écoutés de son œuvre ! Si Orelsan déclare ne pas avoir prévu une telle réaction du public. Et s’il défend l’idée que ses paroles ne seraient que du second degré. C’est probablement parce que les rappeurs n’ont, en France comme ailleurs, jamais arrêté de plaire grâce à des textes et des clips dégradants à l’égard des femmes.

Un milieu toujours aussi sexiste

Ainsi, le groupe PNL reste l’une des figures rap les plus écoutées en 2021, avec plus de 2 milliards de streams sur Spotify, même si les rappeurs n’hésitent pas à écrire : « 89, goûte ma teub […] » dans leur titre J’suis PNL (2015) ; ou encore « Suce-moi en attendant mon prochain titre // Cette chienne me regarde comme un monkey […] » dans leur chanson Menace (2019). On peut également citer le titre de Bosh, Djomb – disque de platine en 2020, dans lequel le rappeur relate la manière dont un homme harcèle une femme qui lui plaît dans la rue : « J’t’ai vue passer dans l’allée, ton boule me rend romantique // Il fait des appels de phare, quand il bouge de gauche à droite, j’suis obligé de réagir […] ».

https://www.youtube.com/watch?v=OtcJee-A-ZM

Comment ne pas se rendre compte que ces paroles, décriées comme de simples éléments fictifs, ont des causes et des conséquences réelles ? 

Si le monde du rap francophone semble avoir quelque peu échappé en 2018 à la vague #Metoo, il n’est plus si sûr que ça que la misogynie ait de beaux jours devant elle dans ce milieu. 

En 2019, le rappeur Moha la Squale est accusé par cinq femmes, puis mis en examen pour violences et séquestration. 

En 2020, le rappeur belge Roméo Elvis était accusé d’agression sexuelle ; plus récemment, Naps, figure du rap marseillais, a été visé par des faits similaires.

Des femmes qui font bouger les codes du rap français

Bien sûr, les textes dans lesquels on trouve des références ou des mentions de violences sexistes et sexuelles restent nombreux. Mais il semble que des voix s’élèvent pour s’imposer, et s’opposer. Elles hurlent, elles chantent, mais surtout, elles rappent !

Zorba, Lala &ce, Chilla, Shay, Ebony’T, Eesah Yasuke, Ambre Lise, Ossem ou encore Soumeya. Plus ou moins connues du grand public, elles s’affirment, elles savent rapper et elles le revendiquent. Avec un flow et une rapidité qui n’ont rien à envier à de grands noms du rap, elles se démarquent, dans un milieu qui a été longtemps extrêmement masculin.

Elles réinvestissent les codes propres à ce milieu et parlent d’argent, de luttes, de drogue, de pauvreté. Mais aussi bien souvent, de leur envie de prendre la place qui leur revient de droit. Elles n’hésitent pas à faire preuve de violence, dans leurs paroles et dans leurs gestes, enchaînant les punchlines et les affirmations de soi, avec un égo démesuré pour nous permettre de sentir la puissance de leur prise de position – le jeu, dans le rap, c’est souvent d’imposer une forme de respect, lié à la fois à la pratique même du rap, mais aussi à l’image que l’on construit en tant que rappeur.euse. 

Alors, la présence nouvelle et massive des femmes apparaît comme une délivrance. Désormais, nous pouvons nous imposer dans un milieu dont l’accès nous est entravé. Et nous pouvons le faire en disant : « Nous sommes plus douée que vous », des sourires provocateurs en coin.

Une nouvelle série d’articles

Dans cette série d’articles sur le rap, nous prendrons le temps de découvrir des artistes très variées. Nous décrypterons certains textes et prises de position, afin de comprendre comment ces rappeuses réinvestissent les codes de leur milieu dans une démarche de prise de pouvoir. Et nous pourrons découvrir la capacité avec laquelle elles savent nous donner envie, individuellement, de nous affirmer. 

Juliette Héraud 

Notre note
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