Cheverny, le château qui inspira Moulinsart de Tintin !
Situé à un peu plus d’une heure de Paris et Orléans, et à 20 minutes de Blois, le château de Cheverny et ses fabuleux jardins furent édifiés au XVIIe siècle. Ils représentent la parfaite incarnation du style classique à la française. Une remarquable bâtisse qui présente la particularité d’être la principale source d’inspiration du dessinateur Hergé pour la création de son célèbre château de Moulinsart, qui sera le cadre privilégié des nombreuses aventures de Tintin et du capitaine Haddock.
Les origines
L’histoire de la seigneurie de Cheverny commence avec celle de son premier propriétaire, Henry Le Mareschau, en 1315. Il s’agit à l’époque d’un domaine occupé par un manoir, un pressoir et des vignes.
En 1490, la propriété est rachetée par Jacques Hurault. Ce dernoier exerce de hautes fonctions sous Louis XI, Charles VIII et Louis XII. Il deviendra ensuite gouverneur du comté de Blois sous le règne de François Ier.
Bien avant sa mort, il décide de léguer le domaine à son fils, Raoul II Hurault. Celui-ci y édifiera un château, obtenant même du roi, en 1510, l’autorisation de le fortifier.
De cet ancien château de Cheverny, il ne nous reste qu’un dessin d’un frère jésuite. Étienne Martellange, architecte et peintre, le visite la région entre 1624 et 1625. Sur place, il ne reste que de rares vestiges. Dont la trace est encore visible dans les communs du château actuel.

Quelques péripéties
Après des poursuites pour malversations financières engagées par le roi François Ier et son impitoyable mère, Louise de Savoie, le château de Cheverny est récupéré par la couronne.
En 1551, il est offert par le roi Henri II à sa favorite Diane de Poitiers. Cette dernière, lui préférant Chenonceau, le revendra à la famille Hurault.
Henri Hurault épouse Françoise Chabot, fille du grand écuyer de France, le baron de Charny, en 1588, alors qu’il est à peine âgé de 13 ans. Gouverneur de Blois, il prend possession du château de Cheverny en 1596 et y installe son épouse. Cependant, il la laisse seule, se mettant très vite au service du roi à la tête d’une centaine d’hommes en armes.

Une sombre tragédie
En 1602, les rumeurs de l’infidélité de Françoise Chabot arrivent aux oreilles de la cour. Ainsi, lors d’une audience auprès du roi Henri IV, ce dernier se moque du comte Hurault en lui faisant les cornes du cocu, alors qu’il lui tourne le dos. Apercevant le geste du roi dans un miroir, Henri Hurault regagne immédiatement son château, exécute le page qu’il découvre en compagnie de son épouse et laisse à cette dernière le choix de sa mort : l’épée ou le poison.
Françoise Chabot choisit le poison, mais on découvre quelques jours après sa mort qu’elle était enceinte de plusieurs mois. Apprenant la nouvelle et se sentant coupable, le roi Henri IV condamne le comte Hurault à un exil intérieur, sur ses propres terres de Cheverny.
L’édification du château actuel
En 1604, Henri Hurault se remarie avec Marguerite Gaillard de la Morinière et revient dans les bonnes grâces du roi l’année suivante. Ainsi, le couple rase entièrement l’ancienne bâtisse passée de mode, mais surtout marquée par la tragédie.
Entre 1620 et 1640, ils entreprennent la construction d’un nouveau château, dont ils confient la charge à l’architecte Jacques Bougier.
Précurseur du style classique à la française qui s’impose ensuite sous le règne de Louis XIV, le château de Cheverny est composé d’un bâtiment central encadré par deux corps de logis et des pavillons d’angle. De plus, l’utilisation de la pierre de Bourré assure la clarté de sa façade, avec sa capacité à blanchir et durcir avec le temps.
Malheureusement, le couple ne profite pas du château ; la comtesse décédant en 1635 et le comte en 1648 et c’est donc leur fille, Élisabeth, marquise de Montglas, qui en achève la décoration intérieure.

Du XVIIIe siècle à nos jours
Au XVIIIe siècle, le château change de nombreuses fois de propriétaires.
Épargné par la Révolution et après être passé par les mains du comte Germain de Montforton sous le Premier Empire, il revient aux mains de la famille Hurault, en 1825, lorsque Anne-Victor Hurault, marquis de Vibraye l’acquiert. Il est depuis la possession de la famille sans discontinuer.
En 1922, le château de Cheverny est ouvert au public. Depuis, il est devenu l’un des châteaux de la Loire le plus visités, avec plus de 300 000 visiteurs annuels.

Moulinsart, c’est Cheverny
Hergé s’inspire de Cheverny pour créer son célèbre château de Moulinsart. Cependant, de la façade principale, il ne conserve que le corps central, supprimant les deux ailes.
Ayant appartenu au Chevalier François de Hadoque, ancêtre du capitaine Haddock, il apparait pour la première fois dans l’album Le Secret de la Licorne, où Tintin est alors retenu prisonnier dans ses souterrains.
Il apparait ensuite régulièrement dans les aventures de Tintin, notamment Le Trésor de Rackham le Rouge et surtout, Les Bijoux de la Castafiore, où l’intrigue s’y déroule quasi intégralement.

La méthode Hergé
Luis Castellano, des éditions Moulinsart, explique qu’Hergé travaillait essentiellement sur documents. Ainsi, il dessine Moulinsart pour la première fois en 1942, après avoir découvert le château de Cheverny, probablement sur un guide touristique : « Beaucoup de documentation et, sans doute, au détour d’un dépliant, la photo du Château de Cheverny. »
Et pour expliquer ce choix, il ajoute : « Parce que Cheverny est une architecture classique et simple qui correspondait mieux au style de dessin à ligne claire que les châteaux Renaissance. »

Rappelons, à titre d’anecdote, que le château de Cheverny a également inspiré un autre château de fiction : celui de la famille Volban dans la série d’animation japonaise Glass Fleet.
Rosa Tandjaoui.
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