Demain de Cyril Dion : une positivité à œillères !
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Demain de Cyril Dion : une positivité à œillères !

Hakim Aoudia - Publié le

Temps de lecture : 8 minutes

En 2015, le co-fondateur du mouvement Colibris Cyril Dion et l’actrice Mélanie Laurent ont réalisé le film documentaire Demain. Alors que nous en sommes déjà à la COP27 et que le GIEC sort un énième rapport qui nous prouve encore une fois que la situation environnementale est alarmante, voir ou revoir les solutions présentées dans ce documentaire nous semble important.

C’est à la suite d’un article dans la revue Nature en 2012, écrit notamment par Anthony Barnosky et Elizabeth Hadly annonçant que l’humanité pourrait disparaître d’ici 2100, que Cyril Dion et Mélanie Laurent décident de partir à travers le monde pour constater et montrer que des solutions se mettent en place, que l’espoir est possible si nous décidons de changer et d’inventer une nouvelle société, plus juste, plus durable, plus résiliente.

Et pour cela, il y aurait cinq piliers. Cinq domaines en crise sur lesquels nous devrions agir :

1 – La nourriture

Aujourd’hui, 75% de ce qui est consommé dans le monde vient des petit-e-s agriculteurices.

Quand le secteur automobile s’est écroulé, la ville de Détroit, aux États-Unis, a été désertée par ses habitant-e-s, passant de 2 millions en 1960 à 700 000 en 2015.

L’usine automobile Packard, symbole du déclin de la ville de Détroit. Crédit photo Alex S. MacLean pour le New York Times.

Réutilisant les ruines et les friches créées par le départ de la population, des organisations citoyennes se mettent en place. Ne trouvant pas de fruits et légumes frais à proximité, des hommes et des femmes créent des fermes urbaines, capables de nourrir les gens avec la nourriture produite dans leur propre ville. Aujourd’hui, il s’y trouve plus de 1600 fermes urbaines et environ 2400 hectares de friches encore cultivables. La ville a retrouvé de l’attractivité, et sa population peut y vivre sereinement.

L’un des créateurs de D-Town Farm nous rappelle tout de même que les fermes urbaines et rurales doivent fonctionner ensemble.

L’exemple de Todmorden en Angleterre

En Angleterre, c’est dans la ville de Todmorden que sont nés les Incredible Edible. Ce sont des plantations spontanées de plantes comestibles au cœur de la ville. Les deux créatrices du mouvement n’avaient pas l’autorisation au début, mais après avoir dialogué avec la police et la population, elles ont fini par obtenir en 2013 que le district de Calderale mette à la disposition de ses 200 000 habitants tous les terrains vacants pour y cultiver de la nourriture. Elles expliquent que ces bacs avec des tomates qui poussent sur les trottoirs permettent de recréer du dialogue entre les gens. On s’arrête, on discute, on jardine ensemble, on s’échange des recettes, des invitations à dîner. Et tout le monde peut avoir accès à des fruits et légumes frais, gratuitement.

Todmorden, la ville qui vous nourrit ses habitants gratuitement. Crédit photo lesincoyablescomestibles.fr.

Aujourd’hui, les Incredible Edible ont fait des petits partout dans le monde et l’on en trouve même un peu partout en France.

La ferme du Bec Helloin en France

Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent aborde l’exemple français de la ferme biologique du Bec Helloin : LE modèle de la permaculture. Ses exploitant-e-s offrent même des formations à la permaculture. Cette méthode de culture offre de très gros rendements, tout en demandant beaucoup moins de place que l’agriculture traditionnelle. Utilisant des techniques de maraîchage urbain anciennes, ainsi que la nature elle-même, la permaculture n’utilise que des outils techniques manuels.

La ferme du Bec Helloin est passée de 32 000€ de chiffre la première année à 39 000€ la deuxième, et jusqu’à 57 000€ la troisième année. C’est une méthode qui demande du temps, mais très rentable.

La ferme biologique du Bec Hellouin près de Rouen. Crédit photo fermedubec.fr.

La ferme se consacre désormais principalement à la recherche pour des fermes toujours plus résilientes. Les visites ne se font plus qu’à l’occasion des portes ouvertes et des formations.

Le problème de l’exploitation animale

Par ailleurs, Demain de Cyril Dion et Malanie Laurent n’y fait qu’une brève allusion, mais la consommation de produits issus de l’élevage, de la pêche et de l’exploitation animale est un des problèmes majeurs de notre mode d’alimentation.

Les documentaires Cowspiracy de Kip Andersen et Keegan Kuhn et Seaspiracy de Ali Tabrizi s’efforcent de le démontrer.

COWSPIRACY – Le secret du développement durable.
Seaspiracy : La pêche en question | Bande-annonce officielle VOSTFR | Netflix France.

2 – L’énergie

On estime qu’il faudrait consommer environ 65% d’énergie en moins que notre consommation actuelle.

La capitale du Danemark, Copenhague, a déjà bien entamé sa reconversion énergétique, passant du tout pétrole à une énergie fournie par la biomasse. Les centrales servent aujourd’hui à brûler les déchets de foresterie ainsi que la paille des agriculteurices. La principale centrale alimente 1,3 million de foyers ainsi que 200 000 familles du Grand Copenhague. On nous dit également qu’en 2025, Copenhague sera totalement autonome en énergie renouvelable, et en 2050, l’objectif est d’y parvenir pour tout le Danemark.

La ville a également changé son apparence : moins de voies pour les voitures, plus de pistes cyclables, des trottoirs plus larges et plus agréables, des transports publics faits pour y transporter son vélo. Résultat : plus de 50% des habitant-e-s ne prennent plus la voiture. L’urbanisme est un vecteur majeur de changement des habitudes.

Reykjavík et l’île de la Réunion

La capitale de l’Islande, Reykjavík, fonctionne aujourd’hui presque uniquement grâce à la chaleur des sources géothermiques et à l’énergie hydroélectrique.

Usine géothermique en Islande. Crédit photo.

Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent nous emmène également sur l’île de La Réunion, qui dispose d’une énergie à 35% renouvelable. Les parcs de panneaux photovoltaïques mettent gratuitement à la disposition des habitant-e-s les sols en dessous des panneaux pour cultiver. On trouve des serres dont le toit est d’un côté transparent, de l’autre en panneaux solaires. Il y a des parcs à côté de la prison, où les détenus, grâce à un programme de réinsertion, apprennent à s’occuper des panneaux.

Le cas des États-Unis

De son côté, San Francisco est pionnière dans sa manière de considérer et traiter les déchets domestiques. Elle recycle 80% de ses déchets et les éboueurs-euses sont formé-e-s à cela. Dans chaque foyer, il y a une poubelle d’ordures ménagères, une pour les emballages, et une dernière pour les déchets alimentaires, qui seront donc récoltés pour alimenter le compost de la ville. Les fermiers achètent ensuite ce compost à la ville, ce qui leur permet de faire de grosses économies.

San Francisco souhaite devenir un modèle de ville durable, la première ville « zéro déchet ». Crédit photo globalgoodness.ca.

Aux États-Unis, environ 300 villes et 1000 universités ont répliqué ce programme de compostage des déchets.

On estime que si chaque ville des États-Unis recyclait 75% de ses déchets, 1,5 million d’emplois seraient créés. Il s’agit de déconstruire la catégorie déchets, jusqu’à la rendre obsolète.

Un petit bémol

Néanmoins, la transition énergétique nécessite des projets de grande ampleur, ainsi qu’une volonté politique. Il est à noter également que San Francisco est une ville riche, où les habitant-e-s ont le temps et les moyens de penser au tri de leur déchets.

3 – L’économie

Selon Rob Hopkins, comme la nature, l’économie devrait fonctionner en écosystème pour être résiliente. Ainsi, la multiplication de monnaies, à différentes échelles, crée un écosystème économique.

À Lille, l’entreprise de fabrication d’enveloppes Pocheco fonctionne sur le principe de l’écolonomie : une économie qui ne détruit pas la nature.

L’entreprise Pocheco : quand écologie et économie font bon ménage. Crédit photo Pocheco.

Ainsi, en suivant les principes de l’écolonomie : les toits végétalisés permettent un isolement thermique et sonore très efficace, ainsi que l’absorption des microparticules et donc de dépolluer.

Les monnaies locales et/ou alternatives

La ville de Totnes en Angleterre a sa propre monnaie. Les billets rendent hommage à la culture locale. Les artistes graphiques ont un grand rôle à jouer dans un projet comme celui-là !

Ce qui est intéressant avec les monnaies locales, c’est qu’elles n’ont aucune valeur en dehors du territoire. Donc, l’argent circulant en circuit fermé, c’est le territoire et sa communauté qui en profitent directement.

Pour que ça fonctionne au mieux, il faudrait que les municipalités acceptent une partie des impôts locaux en monnaie locale et l’utilisent ensuite pour payer en partie les fonctionnaires et financer les projets de la ville.

Autre exemple : à Bâle, en Suisse, le WIR est une monnaie complémentaire qui existe depuis 1934 et qui a sa propre banque.

4 – La démocratie

Au village de Kuthambakkam, à côté de la ville de Chennai en Inde, Elango Rangaswamy, élu maire, a tout changé. Il a fait participer tou-te-s les habitant-e-s, malgré le système de castes, à des assemblées citoyennes. Ensemble, ils et elles ont discuté chaque point de son programme, redéfinissant les priorités de la population. Se sentant impliqué-e-s, les habitant-e-s ont elleux-mêmes nettoyé les quartiers, reconstruit les routes, faisant économiser beaucoup à la ville.

Maire de Kuttambakkam en Inde, Elango Rangaswamy a inventé un système de gouvernement local faisant appel à la participation des habitants. © Demain.

Après plusieurs années à la mairie du village, le maire est maintenant le formateur de nombreuxes autres maire-sse-s qui souhaiteraient appliquer le même système dans leurs communes.

5 – L’éducation

Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent se concentre également sur le système éducatif finlandais, basé sur la confiance et qui tente de s’adapter à chaque enfant, à leur rythme, à leurs personnalités, à leurs besoins. Le directeur de l’école précise néanmoins que si un changement radical du système scolaire a pu être effectué, c’est parce que ce n’est pas un enjeu politique ou électoral en Finlande, contrairement à la France, où chaque gouvernement fait une réforme de l’Éducation nationale.

Dans le système éducatif finlandais, la conception de l’école a prévu des aménagements non conventionnels pour les salles de classe et les autres espaces d’apprentissage par petits groupes. Photo: Andreas Meichsner/Verstas.

Des solutions existent, alors gardons espoir !

Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent nous dit aussi que partout dans le monde, des solutions existent. Ce documentaire donne de l’espoir. Il a inspiré beaucoup de personnes à travers le monde. Il a donné un nouvel élan aux mouvements écologistes citoyens, permettant aux personnes de se rassembler autour des initiatives qui y sont présentées.

La volonté de Cyril Dion à travers Demain était avant tout de changer la communication autour de l’écologie. Plutôt que de continuer à instaurer la peur dans les esprits à coup de documentaires, faits, images, discours alarmants, il s’agit pour lui de montrer ce que l’engagement écologique peut avoir de positif, afin d’inspirer les gens partout dans le monde.

Et bien sûr que c’est important. Nous avons besoin de créer d’autres modèles que ceux présents pour imaginer un autre monde. Et nous devons commencer à agir maintenant, pas attendre que les dirigeants de la planète se décident à changer.

Quelques réticences

Mais nous avons des réticences sur le terme « solutions ».

La plupart des initiatives présentées sont des alternatives, mais elles ne s’attaquent pas au cœur du problème. Il ne faut pas être dupe et penser que les monnaies locales changeront notre modèle économique et ses ravages.

De même, le recyclage est important, mais très peu de plastiques sont effectivement recyclables.

Le problème vient de notre mode de production et de consommation. Réduire ses dégâts n’y changera rien. Nous ne cherchons pas à propager une vision pessimiste des choses, mais simplement à vous alerter et garder un esprit critique.

Les projets locaux ont leur importance, mais ne règleront pas le problème. Il s’agit de ne pas se reposer sur ses lauriers. Nous devrions toujours en vouloir plus.

Se regrouper et agir !

Enfin, nous devons surtout considérer que ce qui est possible à un endroit l’est dans des circonstances particulières. Nous aurons beau faire tout ce que nous pouvons, ce seront toujours les élu-e-s et les entreprises qui auront le pouvoir. C’est cela que nous devrions changer.

Mais bien sûr, cela n’empêche pas de se lancer ! Regroupons-nous et agissons ! Proposons à vos élu-e-s locaux des projets qui nous tiennent à cœur, inventons d’autres modèles et répandons-les.

Nous avons un pouvoir sur notre imaginaire collectif, servons-nous-en !

Lou Gasparini

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