Louis Andrieux, archétype de l’homme politique !
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Louis Andrieux, archétype de l’homme politique !

Hakim Aoudia - Publié le

Temps de lecture : 4 minutes

Louis Andrieux fut avocat, directeur de journaux, émeutier, procureur, préfet de police de Paris, ambassadeur et sénateur : un homme politique, pur produit de la République qui, à l’aune du passé, nous aide à mieux comprendre le présent.

J’ai fait tous les métiers

Louis Andrieux naît à Trévoux le 23 juillet 1840. Lorsque son père reprend une charge d’avoué à Lyon, la famille déménage et le jeune garçon poursuit ses études au Lycée Ampère, alors lycée impérial.

Plus tard, il fait son droit à Paris et collabore avec des journaux d’opposition républicaine ; fondant même l’hebdomadaire Le Travail en compagnie du jeune Georges Clemenceau, en 1861.

À la suite de son inscription au Barreau de Lyon, il adhère à la franc-maçonnerie et crée une école libre de droit.

En 1870, alors qu’éclatent les émeutes consécutives à la défaite de l’armée napoléonienne à Sedan, il prend parti pour les républicains et se retrouve incarcéré à la prison Saint-Joseph de Lyon.

La cavalerie française à la bataille de Sedan. © Photo RMN – Grand Palais – F. Raux.

Heureusement pour lui, les émeutiers le libèrent et l’Empire s’écroulant, il est nommé procureur de la République par le nouveau régime.

Ainsi, démarre la carrière de celui qui ne cessera d’affirmer : « J’ai fait tous les métiers. »

Un républicain modéré, mais zélé !

En avril 1871, il participe, sans état d’âme, à la répression de l’insurrection qui secoue Lyon, à la suite de la Commune de Paris.

Affiche annonçant la Commune de Lyon le 23 mars 1871. Domaine public.

Louis Andrieux entre ensuite en politique et se fait élire conseiller municipal de Lyon, conseiller général de Neuville-sur-Saône, député du Rhône, avant de se faire nommer : préfet de police de Paris, en mars 1879.

Là, il déploie tous ses talents de manipulation contre les anarchistes. En effet, La révolution sociale, premier journal anarchiste en France, parait le 12 septembre 1880 grâce aux fonds qu’il met à disposition par l’intermédiaire d’un agent infiltré.

Il résume ainsi ses motivations dans ses mémoires : « On ne supprime pas les doctrines en les empêchant de se produire… Donner un journal aux anarchistes, c’était d’ailleurs placer un téléphone entre la salle de conspirations et le cabinet du préfet de police. »

Placer son fauteuil dans le sens de l’histoire

En 1881, alors en conflit avec le ministre de l’Intérieur, il démissionne de son poste de préfet et redevient député du Rhône. Il est ensuite nommé ambassadeur de France en Espagne, avant de se faire élire député des Basses-Alpes, doyen de l’Assemblée, puis sénateur.

Outre sa carrière d’homme politique, républicain opportuniste, proche du boulangisme et de l’antidreyfusisme, Louis Andrieux sera également écrivain, enseignant et journaliste ; n’hésitant pas à flirter avec le journal antisémite La Libre Parole.

Assassinat du Président Carnot par un anarchiste. Dessin publié dans La Libre Parole illustrée (no 511, 30 juin 1894) Paris, Bibliothèque nationale de France (BnF).

Enfin, féministe convaincu, il défend le droit de vote des femmes.

Notons au passage qu’il est le père naturel de Louis Aragon, né de sa liaison avec Marguerite Toucas-Massillon et qu’il ne reconnaitra jamais.

Marguerite Toucas-Massillon et Louis Aragon, vers 1907. Domaine public.

Ainsi, c’est un homme qui a toujours su, comme le disait si bien Albert Camus : « placer son fauteuil dans le sens de l’histoire. »

Un homme de son temps et au-delà !

Je ne saurais trop vous conseiller la lecture de ses mémoires. C’est un texte savoureux, drôle, acerbe, extrêmement bien écrit et très instructif sur la période qu’il décrit.

Mais, bien plus qu’un remarquable tableau des mœurs de ce qu’il convient d’appeler : les prémisses de la République, il y a chez Louis Andrieux la figure d’un homme politique dont nous sommes les héritiers. Car, celui qui affirmait : « Je ne vous ai rien promis. J’espère tenir davantage. » en dit beaucoup plus sur nous-mêmes qu’on ne le pense.

Louis Andrieux photographié par Nadar (1898). © Ministère de la Culture.

Une vision du monde

Ainsi, sa vision du monde est tout entière contenue dans cet autre extrait de ses mémoires : « La préfecture de police a toujours eu à se défendre contre des adversaires passionnés. Chargée d’assurer la sécurité de tous, elle doit inévitablement gêner la liberté de quelques-uns ; elle s’attire les haines de ceux-ci ; les autres ne croient lui devoir aucune gratitude, car l’ordre public, la sécurité de la cité, paraissent choses trop naturelles pour qu’on songe à en reporter l’honneur au dévouement de ceux qui en ont la garde. »

Comme le disait si bien Nietzsche : « Pour agir, il faut se bander les yeux d’un voile d’illusion. »

L’exercice du pouvoir ne peut être une fin en soi, au risque d’aggraver les crises politiques ; passées, actuelles et à venir.

Bonnes lectures à tous.

Hakim Aoudia.

Notre note
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