Auteur ou écrivain ? Et quel féminin ?
Annie Ernaux Nobel Féminin Féminisation Droit d'auteur

Auteur ou écrivain ? Et quel féminin ?

Hakim Aoudia - Publié le

Temps de lecture : 3 minutes

La France est très fière de sa littérature et de celles et ceux qui la font. La récente nobélisation d’Annie Ernaux lui donne internationalement raison. Cependant, quand il s’agit de désigner les personnes qui écrivent, on s’y perd parfois un peu. Connaissez-vous la différence entre les termes « auteur » et « écrivain » ? Et qu’en est-il du féminin ?

Autrice, auteure, écrivaine ?

Commençons peut-être par les formes au féminin des mots “ auteur ” et “ écrivain ”.  

  • Autrice ” vient de la forme latine auctrix, entré au dictionnaire en 1611, avant d’être supprimé de force du langage par l’Académie Française. “ Autrice ” se trouve dans un dictionnaire du XVIIIe siècle, et est aussitôt considéré comme un “ barbarisme ” par Jean-François Féraud.  
  • Auteure ” fait quant à lui son apparition dans les années 1970-1980, lorsque les femmes demandent une forme féminine pour désigner celles qui écrivent. En effet, “ autrice ” a longtemps été oublié.  
  • Écrivaine ”, que l’on peut également retracer jusqu’au XVe siècle, serait utilisé depuis 1980. 

Le terme le plus utilisé est encore aujourd’hui “ auteure ”, bien que qu’” autrice ” soit grammaticalement plus correct (les mots terminant en “ -eur ” au masculin prennent le plus souvent la forme “ -rice  » au féminin).

Les critiques du féminin

Les critiques que l’on entend le plus souvent contre “ autrice ” et “ écrivaine ” portent sur la sonorité : il y aurait “ vaine ” dans écrivaine, ce qui ne mettrait pas en valeur la personne désignée. C’est oublier qu’il y a “ vain ” dans “ écrivain ”, mais que personne ne s’en est jamais préoccupé…

Quant à “ autrice ”, il sonnerait comme “ autiste ”, qui est évidemment un gros mot, une insulte qu’il ne faut surtout pas entendre ni prononcer.

Foutaises! Lorsque l’on étudie la question, on comprend surtout que si “ auteure ” est plus plébiscité, c’est qu’il ne demande pas de changer nos habitudes et que sa prononciation en cache le féminin.

Tout le débat sur la féminisation des noms de métiers nous l’a prouvé : les habitudes sexistes de la langue nous font penser qu’une profession noble ne peut être désignée que par le masculin.

Eliane Viennot : la langue française est-elle sexiste ? (Auteur ou écrivain, et quel féminin)

Auteurice et écrivain-e

J’utiliserai, pour la suite de cet article, les formes neutres suivantes : “ auteurice ” et “ écrivain-e ”. En effet, puisqu’il s’agit de s’interroger sur la distinction entre ces deux termes, il me semble plus clair d’utiliser des formes neutres que les formes masculines “ auteur ” et “ écrivain ”. 

Qu’est-ce qui différencie un-e auteurice d’un-e écrivain-e ? 

Le mot “ auteur ” nous vient du latin auctor (agent, auteur, fondateur, instigateur), un dérivé du verbe augere (augmenter). L’auteur est un créateur. Il n’y a pas qu’en littérature que l’on peut être auteurice. 

Le mot “ écrivain ” nous vient du latin scriba (scribe), du verbe scribo (écrire). Il désigne la personne dont l’occupation est d’écrire des ouvrages. 

Les deux mots ont une histoire très chargée et des livres ont été écrits pour l’expliquer. Nous tentons juste ici de différencier l’usage des deux termes.

Que choisir ?

Un-e auteurice n’est pas forcément un-e littéraire. Pour être plus claire : un-e auteurice peut avoir écrit un livre de développement personnel autant qu’un recueil de nouvelles ; un-e écrivain-e écrit des romans, de la poésie etc. 

On utilise “ écrivain-e ” précisément pour les formes écrites de littérature. Le théâtre, la chanson ou le slam, par exemple, ne font pas de leur auteurice un-e écrivain-e. 

On est l’auteurice de quelque chose, le statut d’auteurice dépend de l’œuvre que l’on a produite. Écrivain-e est un statut général, une position sociale, la réponse à la question “ Que fais-tu dans la vie ?

Il y a aussi presque un rapport au temps dans la différence entre ces deux mots : “ J’écris, je suis écrivain-e ”, dit-on au présent de vérité générale. “ J’ai écrit ce livre, j’en suis l’auteurice ” dit-on au passé composé, parce que c’est cette action passée qui justifie notre situation dans le présent.

Féminisation des noms : mauvaise langue ? – C à vous – 17/01/2022. (Auteur ou écrivain, et quel féminin)

Une question de statut

C’est sûrement pour cela que l’on touche des “ droits d’auteur ”, que l’on peut être reconnu comme “ artiste-auteur ” par l’État.

Ainsi, il faut justifier de choses faites ou en cours pour avoir droit à des revenus ou à une protection.

Si le statut d’écrivain-e était reconnu, peut-être pourrait-on espérer être payé-e “ pour écrire ” et non “ pour avoir écrit ”.

Lou Gasparini.

Notre note

Conférence d’Éliane VIENNOT – NON, LE MASCULIN NE L’EMPORTE PAS

Jet Tours

Commentaires

0

Ajouter un commentaire

Fermer le menu
DESTINATIONS AGENDA COMPTE
CulturAdvisor