Don’t look up : symbole de notre inaction climatique !
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Don’t look up : symbole de notre inaction climatique !

Hakim Aoudia - Publié le

Temps de lecture : 6 minutes

Superproduction Netflix au casting cinq étoiles, Don’t look up, la comédie satirique catastrophe d’Adam McKay est une métaphore claire de la non-gestion de la crise climatique. Alors, comment expliquer qu’un film avec pourtant de nombreuses failles se retrouve à être l’un des plus visionnés de l’histoire de la plateforme ?

La doctorante en astronomie Kate Dibiaski et son directeur de thèse Randall Mindy font une découverte terrifiante : une comète va s’abattre dans six mois sur la Terre et la détruire. Toustes deux tentent alors de prévenir le gouvernement américain et les médias. La Présidente, évidente projection fictive de Donald Trump, absorbée par sa campagne en vue des prochaines élections, refuse de faire face au problème : « On attend et on avise ». Les présentateurices télé en vogue leur rient au nez. Les scientifiques tenteront alors par tous les moyens d’alerter la population et les gouvernements pour sauver l’humanité de ce péril mortel certain, pendant que les pouvoirs (gouvernements, médias, géants de la technologie) demandent à la population de ne « Pas regarder en l’air » (« Don’t look up »).

Don’t look up : Déni cosmique | Bande-annonce officielle VF | Netflix France. (Don’t look up : symbole de notre inaction climatique !).

La métaphore est claire :

il s’agit de la représentation de notre inaction climatique. Nous parlerons dans cet article du film dans son ensemble ; si vous avez l’intention de le voir, faites-le avant de nous lire.

Il ne s’agira pas d’une critique à proprement parler du film, que nous n’avons pas aimé. Nous nous intéresserons plutôt à ce que son succès dit de nos sociétés et de la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Les intentions du réalisateur sont claires :

faire de ce film une métaphore de notre monde. La comète, c’est le dérèglement climatique. Et personne n’agit.

Les riches capitalistes de Bash (projection fictive des GAFAM) cherchent à en profiter. Les médias font du spectacle. Le film se déroule aux États-Unis, mais impossible de nier qu’il se passe la même chose chez nous en France. Les actions climatiques d’Emmanuel Macron sont largement en dessous de l’ampleur de la crise :

  • On passera aux voitures électriques en 2050. On ne peut désormais plus acheter de touillettes en plastique ni de Cotons-Tiges jetables ;
  • Pascal Praud rit du réchauffement climatique sur CNEWS parce qu’il a neigé en avril ;
  • Ou encore, plus récemment, on a pu assister à ce qui ressemble à s’y méprendre à une scène de Don’t look up où la journaliste de Blast Salomé Saqué se retrouve dans la même situation que Kate Dibiaski sur le plateau de télévision ;
  • Quant à Elon Musk, il utilise ses millions pour aller faire du tourisme sur Mars, et il nous parait clair qu’il fera partie de celleux qui trouveront une autre planète habitable une fois que la nôtre sera devenue invivable.
Climat : cette incroyable vidéo digne d’une scène de Don’t Look Up. (Don’t look up : symbole de notre inaction climatique !).

Si nous avions écrit cet article à chaud

nous vous aurions dit que la métaphore est très peu subtile et que pour être réellement grinçant, l’humour doit être en décalé par rapport à la réalité. Après réflexion, discussion et recherches, ce que nous trouvons peut-être le plus tragique c’est que la Présidente, les journalistes et le capitaliste ne nous apparaissent même pas étranger-e-s, ni même ridicules. C’est purement et tristement notre réalité.

Dans plusieurs critiques, on retrouve la question du réalisme du film, de l’exactitude de l’analogie entre la comète et le dérèglement climatique. Alors effectivement, l’humanité ne réagirait peut-être pas de cette manière face au danger certain et évident d’une comète. Et il est vrai que le dérèglement climatique n’est pas un danger extérieur ni futur : il vient de nous et nous en ressentons déjà les effets. Mais est-ce vraiment ça qui compte ? Toute analogie étant de toute façon imparfaite, quelle est la visée de Don’t look up ?

Peut-être, déjà toucher et sensibiliser un public qui ne serait pas renseigné et alarmé par la situation climatique. Si nous, qui baignons dans ces questions, qui lisons, écoutons ou regardons en boucle des analyses de notre société, avons cerné la société du spectacle complaisante, irresponsable et apathique, ce n’est pas le cas de tout le monde et c’est bien normal. Peut-être que beaucoup d’entre nous ont besoin de voir notre monde placé sous l’étiquette « satire » pour prendre conscience que la réalité n’en diffère pas.

Climat : Don’t Look Up exagère ? (zapping + extraits). (Don’t look up : symbole de notre inaction climatique !).

On peut lire cependant sur la critique du film sur L’Image Sociale :

« Peut-on dire toutefois que le cinéaste entend seulement produire une prise de conscience avec son film ? On sent bien, aux réactions qu’il suscite, qu’il y a plus qu’un simple mouvement réflexif qui consoliderait ce que nous savons déjà sur le climat. Ce n’est d’ailleurs pas un supplément d’information que nous livre McKay à travers les mésaventures des astronomes Dibiasky et Mindy, qui nous ferait basculer, par la fiction, dans un savoir rédempteur sur l’écologie. Il n’exacerbe pas non plus les émotions qui traversent les deux scientifiques. Les cris de la première comme les crises d’angoisse du second proviennent d’un même sentiment partagé, celui d’une impuissance provoquée par le cynisme des politiques et l’incurie des journalistes des chaînes mainstream, les uns comme les autres faisant tout pour qu’une conversion des consciences ne puisse se produire. »

Il faut trouver une autre solution,

qui ne passe plus par l’attente d’une prise de conscience univoque, condition abstraite d’une action globale qui ne vient pas, mais par le bouleversement même de cette attente. Tout se passe comme si Don’t look up nous plaçait devant le constat d’échec d’une conscience qui reste engourdie face au désastre climatique, y compris quand la science, à laquelle McKay croit profondément, nous fournit toutes les données probantes pour sortir de cet engourdissement.

L’autre public à qui Don’t look up plaît, c’est celui des climatologues, et même des scientifiques en général. Parce qu’iels se reconnaissent dans les personnages de Kate Dibiaski et Randall Mindy, sachant ce qui se passe, criant, paniquant, alertant un monde qui semble rester inerte et dont les actions ne sont absolument pas à la hauteur de l’alerte lancée.

Aurélien Barrau à propos du film Don’t Look Up. (Don’t look up : symbole de notre inaction climatique !).

On commence alors à comprendre le succès du film

Bon. Mais il n’y a pas que le fond qui crée le malaise ; la forme aussi. On a : un montage chaotique, des intrigues secondaires annoncées, mais non poursuivies, des conversations coupées en milieu de phrases, un rythme ultrarapide pour finalement peu d’évènements, des protagonistes auxquels on a un peu de mal à s’attacher. On passe un mauvais moment. Seulement voilà : c’est le seul film qui dénonce notre inaction en temps réel, avec une histoire contemporaine à notre réalité. De très bonnes œuvres abordant ce thème, on en connaît, mais il faut aller chercher dans le style post-apocalyptique :

  • L’Empire de sable, de Kayla Olson : qui dénonce notamment l’injustice climatique ;
  • The 100, de Jason Rothenberg : qui met en réflexion la capacité de l’espèce humaine à s’unir face à un plus grand danger ;
  • Kipo et l’âge des Animonstres, de Radford Sechrist et Bill Wolkoff : qui extrapole un monde où les animaux non humains prendraient leur revanche sur notre espèce.

Ce qu’il nous faudrait peut-être, pour que Don’t look up ne soit plus encensé aveuglément, ce sont d’autres fictions qui nous parlent de nous, qui viennent tourner en ridicule – sans oublier, comme le fait d’ailleurs très bien Adam McKay, de montrer qu’être ridicule n’empêche pas d’être dangereuxe – celleux qui ont le pouvoir et ne s’en servent pas pour faire marche arrière et nous sauver.

Que faire face au déni climatique ? (Don’t look up : symbole de notre inaction climatique !).

On en revient alors à la théorie de Cyril Dion :

nous avons besoin de nouveaux récits. Des récits catastrophes, qui nous montrent que notre inaction nous mène à la mort, nous en avons plein. Peut-être est-ce pour cela que nous ne bougeons pas. Parce que ça nous conforte dans l’idée que « de toute façon, c’est foutu ». Nous avons besoin de montrer la voie, aussi.

La notion que soulève notre réaction face à ce film, c’est aussi celle de l’illusion, de notre capacité ou incapacité à accepter le réel. Ce que Don’t look up a réussi, c’est bien d’avoir cassé le mur entre le réel et l’illusion. Il nous a forcés à voir notre système tel qu’il est : un spectacle déplaisant et délétère. Le réel et son double de Clément Rosset, paru pour la première fois en 1976, reste alors infiniment actuel.

En tout cas, continuons d’utiliser l’art pour parler de cette crise. Et même si ça n’est pas parfait. Don’t look up a trouvé un public : et c’est tant mieux.

Lou Gasparini.

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