Le Moment Psychologique au Théâtre Ouvert !

Une eau forte surréaliste sur le monde politique !

Le Moment Psychologique au Théâtre Ouvert : une eau forte minimaliste et surréaliste, deux alternatives pour un choix de société. Allez découvrir ce très beau texte de Nicolas Doutey finement mis en scène par Alain Françon.

Par Guillaume d’Azémar de Fabrègues

Au fond de la scène, une toile blanche, des traces bleues, peut-être des nuages que le beau temps commence à percer. Quatre bancs forment un cercle. Les comédiens arrivent par la salle, s’assoient. Et puis ça, depuis tout à l’heure, ça me chauffe…

On est chez Paul, son ami Pierre vient d’arriver, dans le registre du small talk, le sujet de fond est pour plus tard. Pour l’instant, la bouilloire en prend pour son grade, elle fait valoir son point de vue. Arrive alors So. So est supposée avoir rendez-vous avec Paul, elle devrait être accompagnée de Matt, sa responsable, qui s’est perdue. Ils vont se retrouver, expliquer à Paul le rôle important qu’il doit tenir dans la définition de leur prochaine politique.

Le texte surréaliste de Nicolas Doutey m’a pris par surprise

Une fois attrapée, mon attention ne s’est pas relâchée, et j’ai savouré jusqu’au bout ce Moment Psychologique. Partez du small talk d’un soap opera, donnez-lui un non sens, tirez le fil de ce non sens et des dialogues jusqu’au bout de la logique. Les Monty Python, époque La Vie de Brian, revisités par la mise en scène minimaliste et épurée d’Alain Françon. Quelque chose qui vous embarque, vous emmène jusqu’au bout.

À la pointe de leur stylet, Nicolas Doutey et Alain Françon gravent. Bien sûr on rit, heureusement on rit, des situations, des évidences, sans jamais se moquer des personnages.

C’est à l’acide nitrique qu’ils gravent cette description du monde politique. On en rit, bien sûr, heureusement, sans être dupes. Tout est là, le citoyen, fataliste qui sait qu’après la pluie viendra le beau temps, le technicien, qui suit la lancée de sa mécanique inefficace, la hiérarchie qui est perdue, le policier, qui trouve toujours un indice, le politique qui s’ébaudit du bon sens du citoyen et voudrait en faire la pierre angulaire de ses actions à venir. Chacun joue son rôle, dans un contexte où la méfiance et l’apparence sont plus essentielles que le fond.

Une eau forte que le personnage de Pierre, joué par Pierre-Félix Gravière, assaisonne de quelques touches de couleurs. Il est l’humanité, ancré dans le réel. Il est venu voir son vieux pote, mais il a une bonne raison… et il n’est pas insensible au charme de la petite So.

Le texte est servi par une belle distribution

Louis Albertosi, Pauline Belle, Rodolphe Congé, Pierre-Félix Gravière, Dominique Valadié, Claire Wauthion, tous s’inscrivent avec naturel dans l’instant présent. Le texte fuse, le propos porte, un trait tout en finesse, légèrement forcé pour être visible, sans jamais tomber dans la caricature.

Le spectateur sort convaincu, il lui reste à peser les deux termes de l’alternative… Est-il encore temps de mettre le citoyen au cœur de la politique ? Ne faut-il pas plutôt compter sur l’humanité pour être le Maverick qui régulera le système ? Matt, ou Pierre ?