RIEN À PERDRE (RAP DE MEUFS) : Eline !

« T’aimes le rap et t’es féministe ? » Loin du désir de parler de nouveau des rappeurs et de leurs pratiques parfois encore sexistes et misogynes, nous tâcherons ici de mettre en lumière des rappeuses, qui s’imposent, qui explosent, et se font une place sans attendre qu’on la leur donne. Aujourd’hui, on s’intéresse à Eline !

Rap et musique : une histoire de famille

Eline (prononcer L.I.N.E) commence à écrire et scander des textes en famille. Son frère débute la production de musique en même temps qu’elle débute le rap, et c’est ainsi que l’un et l’autre se mettent à créer ensemble. Leur mère a une place de choix sur le lit de la chambre d’enfant, pour filmer et donner les conseils qui lui semblent les plus avisés, avec un regard bienveillant et émerveillé sur leurs évolutions.

De l’exploration à l’affirmation de soi

Eline s’inscrit d’emblée dans une démarche plurielle, alliant danse, chant, rap et écriture. Dans ses textes, on trouve la dynamique forte de l’exploration de soi et d’un désir de prise de pouvoir, non pas dans sa carrière de rappeuse, mais dans sa propre vie. Enfance tranquille, entourée de sa famille, Eline se souvient qu’elle a le sentiment d’appartenir à un univers assez doux, qui contraste parfois avec la réalité sociale qu’elle découvre au fil des années. Pourtant, fidèle à elle-même, elle s’affirme, en gardant un naturel à toute épreuve, dans un milieu musical qui peut avoir tendance à valoriser l’excès, la violence, ou l’absence de fragilité.

Eline : une autre image du rap

Dès son premier titre, (Pour le meilleur, août 2020), on découvre une autrice honnête, qui évoque ses émotions, leurs poids et leurs contradictions, sans pour autant en faire trop. Dans le clip, on observe et on apprécie la simplicité, loin des images traditionnelles qu’on peut trouver dans le milieu rap.

On s’identifie assez aisément à cette jeune femme, à la fois ambitieuse et pleine de doutes, qui veut se faire une place sans jamais contrefaire sa démarche. Pour elle, le rap, c’est une question d’ouverture de soi. Elle déclare, dans son interview donnée dans le cadre du concours Rappeuses en liberté : « C’que j’aimerais, au niveau de mes textes, c’est pouvoir me livrer, et toucher encore plus les gens, à travers des textes, à travers des messages […] J’aimerais montrer un p’tit peu ce qu’il y a dans les abysses d’L.I.N.E […] ».

Cette dynamique va progressivement imprégner l’ensemble de sa carrière : la rappeuse semble proposer une autre image du rap, et nous rappelle ainsi qu’il n’y a pas de prérequis pour se lancer dans une discipline. Il suffit d’être passionné !

La question de l’amour : une thématique récurrente

Dans les textes d’Eline, la question de l’amour se fait une place de choix. On trouve déjà dans de nombreux textes la référence aux difficultés amoureuses, comme dans son single Chute, sorti en février 2022.

Toutefois, c’est son freestyle pour le concours Rappeuses en liberté qui attire notre attention. De manière tout aussi simple et désinvolte qu’à l’accoutumée, Eline s’adresse à une personne, décrivant leur relation tout au long de la chanson. C’est la première phrase du freestyle, la seule qui laisse deviner le genre de la personne à qui elle s’adresse, qui retient notre attention : « Toi t’es fraîche, tu m’la dis, on s’est captées toute la nuit […] ». C’est encore une fois ce naturel que l’on apprécie chez Eline, qui n’essaie ni de se camoufler, ni de se créer un personnage. Une belle manière d’aborder la question des relations amoureuses, et de s’intéresser à leur pluralité !

Un rap sincère auquel on s’identifie

Il y a un mois, Eline sort finalement 335, son premier album. On y retrouve une rappeuse qui s’affirme et qui grandit, tout en gardant son honnêteté douce.

Le titre qui attire notre attention, c’est Réalité. Dedans, la rappeuse rappelle sans honte son parcours de vie tranquille, loin des difficultés comme la précarité ou la violence qui marquent certains milieux, et dont le rap fait souvent état : « J’ai pas vu la guerre, personne n’a tiré sur ma mère, // Pas vécu dans l’bâtiment, pas revendu la poussière, // Pas vu la misère, pas manqué d’un père, // Pourtant j’ai le cœur qui cri (…) ». Eline, sincère, parle des violences que d’autres peuvent subir, tout en évoquant le fait qu’on peut souffrir même si on n’a pas vécu de telles difficultés. Ainsi, elle offre la possibilité de parler d’émotions, sans les surjouer, proposant ainsi de nouveaux récits auxquels s’identifier.

Une belle carrière à suivre !

Avec Eline, on ne trouve pas de honte, pas de regrets, mais au contraire, un désir de dévoiler ses sentiments. La rappeuse n’hésite pas à reconnaître que c’est parfois le regard des autres qui la freine, mais qu’il la motive aussi. Elle s’interroge sans cesse, ouvrant la voie à des réflexions que l’on a souvent lorsqu’on grandit. Comment on se dévoile à ses proches, comment on se dévoile à des inconnu-es ? L’ouverture de soi est-elle toujours une prise de risques ?

N’hésitez pas à aller streamer l’ensemble de son EP Update, mais aussi de dévorer son nouvel album 335, et pensez à vous abonner, pour profiter encore de la voix douce et des textes sincères d’Eline !

Juliette Héraud.