Meilleur livre de la semaine : Le silence de Dennis Lehane !

Le silence de Dennis Lehane aux éditions Gallmeister, c’est notre meilleur livre de la semaine ! L’auteur de Mystic river, Shutter Island et Gone Baby Gone signe son grand retour avec un roman noir qui explore les fissures de l’âme d’une Amérique en crise, à travers le portrait poignant d’une mère désespérée.

Un contexte particulier 

En 1968, le Civil Rights Act prohibe toutes les lois et réglementations ségrégatives sur l’ensemble des États-Unis. Dans la réalité, et malgré les efforts des militants pour les droits civiques, les écoles de nombreuses villes restent largement ségréguées dans les années 1970. 

En 1974, un juge fédéral ordonne la déségrégation forcée des écoles de Boston. Désormais, des lycéens blancs vont devoir fréquenter des lycées réservés aux noirs et inversement. 

Cette décision déclenche une vague de protestations et de violence de la part de certains habitants de la ville. Ces derniers s’opposent à l’intégration raciale forcée. Ainsi, des manifestations ont lieu et dégénèrent rapidement en émeutes, avec des affrontements entre les manifestants et la police.

Le 22 septembre, la tension atteint son paroxysme lors d’une manifestation à l’école de South Boston. Des centaines de personnes se rassemblent, et des émeutes éclatent, provoquant de nombreux dégâts et blessés. 

Une dure à cuire 

D’origine irlandaise, Dennis Lehane, est né dans le quartier de South Boston en 1965. Ainsi, il a probablement conservé des souvenirs de ses évènements tragiques, dont il se sert pour construire la trame de son roman.

 

Mary Pat Fennessy a toujours vécu dans le quartier. À 42 ans, c’est une dure à cuire qui cumule deux emplois, sans arriver à joindre les deux bouts. De plus, son premier mari est mort jeune, tandis que son fils a succombé à une overdose à son retour du Viêt Nam. Alors, depuis l’échec de son second mariage, sa fille adolescente, Jules, est tout ce qui lui reste. 

Lorsque Jules disparaît le jour même où un jeune noir est retrouvé mort, elle mène sa propre enquête et se rend très vite compte que sa propre communauté n’est pas exempte de tout soupçon.

Extrait 

« Mary Pat a travaillé aux côtés de trop de Noirs à Meadow Lane Manoir et à la fabrique de chaussures pour croire qu’ils sont mauvais ou naturellement paresseux. Des tas d’entre eux sont des braves gens, courageux et bien comme il faut, et ils ne demandent que les mêmes choses qu’elle – un salaire régulier, de la nourriture sur la table, des enfants en sécurité dans leurs lits. Elle a dit à ses deux enfants que si jamais ils prononçaient le mot “nègre” devant elle, ils avaient intérêt à être sûrs qu’ils l’utilisaient à propos de ceux qui ne sont pas bien comme il faut, qui ne travaillent pas dur, qui ne restent pas mariés et qui ne font des bébés que pour toucher les aides sociales. » 

Un portrait sans concessions 

Dennis Lehane ne cède pas à la tentation d’enjoliver la réalité ni d’épargner le lecteur. Ainsi, Mary Pat est profondément imprégnée des préjugés et de la haine raciale qui ont marqué sa vie. Une haine transmise de génération en génération, comme l’est la violence physique qui caractérise toute sa vie, ainsi que celle de tous ceux qu’elle côtoie. Elle est à la fois victime et coupable, ayant elle-même transmis à ses enfants ces préjugés aux conséquences désastreuses.  

Cependant, au fur et à mesure de la progression de l’intrigue, elle commence à s’interroger sur cette haine, en cherchant à comprendre ses origines. 

Elle finit même par se demander si ce qui unit ces deux populations n’est pas plus fort que ce qui les divise, puisqu’elles ont un point commun : elles sont toutes les deux privées de leurs droits.

Un très grand roman à lire absolument.

Pour aller plus loin

De nombreux romans de Dennis Lehane ont été adaptés au cinéma. Notamment Shutter Island, réalisé par Martin Scorsese en 2010, Mystic River, par Clint Eastwood en 2003, ou Gone Baby Gone (2007) et Live By Night (2013), par Ben Affleck. L’occasion de le retrouver sur Grand Écran.

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Hakim Aoudia.