Baya ou le grand vernissage : un livre raconte la plus grande peintre algérienne
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Baya ou le grand vernissage : un livre raconte la plus grande peintre algérienne

Hakim Aoudia - Publié le

Temps de lecture : 6 minutes

Avec Baya ou le grand vernissage, l’écrivaine, universitaire et historienne américaine Alice Kaplan signe une biographie de référence. Celle d’une artiste, certes discrète, mais majeure du patrimoine culturel algérien. Et dont le travail attira l’attention d’Albert Camus, André Breton, Georges Braque et Pablo Picasso. Baya ou le grand vernissage : un livre qui raconte la plus grande peintre algérienne !

Une artiste précoce

Fatma Haddad, surnommée Baya, naît le 12 décembre 1931, à Bordj el Kiffan, ex Fort-de-l’Eau, près d’Alger.

Orpheline dès l’âge de 5 ans, elle est recueillie par sa grand-mère. Celle-ci travaille à l’époque comme domestique dans une ferme appartenant à une famille de colons.

Là, Marguerite Caminat-Benhoura, maîtresse des lieux et amatrice d’art éclairée, remarque son attrait pour le dessin, la peinture, la sculpture et la prend sous son aile. Ainsi, elle veille à ce qu’elle apprenne à lire et écrire, et met à sa disposition papiers, crayons, gouaches et glaise pour lui permettre de s’exprimer à travers l’art.

Bien plus tard, Baya décrira Marguerite comme une sorte de mère adoptive, ajoutant : « J’ai commencé très jeune. À cinq ans environ, j’avais trouvé une revue pour enfants et je m’étais mise à copier les dessins. Alors, on m’a dit que ce n’était pas bien, que c’était défendu, que ça ne servait à rien de copier. Si je voulais peindre, je devais peindre ce qui me passait par la tête, mais ne jamais recopier. »

BAYA : Les petits orphelins, 1947. Gouache sur papier, 24 x 32 cm. Crédit photo Archives nationales d'Outre-mer, Aix-en-Provence.
BAYA : Les petits orphelins, 1947. Gouache sur papier, 24 x 32 cm. Crédit photo Archives nationales d’Outre-mer, Aix-en-Provence. (Baya ou le grand vernissage : un livre raconte la plus grande peintre algérienne !).

Une reconnaissance précoce

Quelques années plus tard, son travail attire l’attention du peintre et plasticien Jean Peyrissac, puis du célèbre marchand d’art Aimé Maeght, qui vient, le 6 décembre 1945, d’inaugurer sa première galerie et d’y organiser une exposition Henri Matisse qui crée l’événement. Ce dernier tombe immédiatement amoureux des gouaches de la jeune artiste et lance : « C’est cela que je veux exposer ! »

Le vernissage de l’exposition a lieu le 24 novembre 1947, au 13 de la rue de Téhéran, à Paris.

Couverture du catalogue de l'exposition Baya "Derrière le Miroir" à la Galerie Maeght en 1947
Couverture du catalogue de l’exposition Baya « Derrière le Miroir » à la Galerie Maeght en 1947. (Livre : Baya ou le grand vernissage raconte la plus grande peintre algérienne !).

Baya est une artiste inconnue, mais sont présents Madame Michelle Auriol, épouse du Président de la République Vincent Auriol, Yves Chataigneau, gouverneur général de l’Algérie, Kaddour Ben Ghabrit, recteur de la mosquée de Paris et l’écrivain Albert Camus.

De plus, l’événement est très largement couvert par la presse, au point même d’être filmé. En effet, un article lui sera consacré en février 1948, dans l’édition française du magazine Vogue, dont la jeune fille, âgée de 16 ans à l’époque, fera la couverture.

Baya photographiée par le magazine Vogue 1947
Baya photographiée par le magazine Vogue 1947. (Baya ou le grand vernissage : un livre raconte la plus grande peintre algérienne !).

Un besoin de renouveau

La réception de l’œuvre de Baya en France à l’époque s’insère dans un contexte artistique de rupture avec les formes académiques et politiques lié à la décolonisation.

Il y a en France et en Occident un besoin de renouveau qui est clairement exprimé par André Breton dans son texte rédigé pour le catalogue de l’exposition : « Le voici déjà loin de nous, ce vieux monde dit plaisamment civilisé, ce monde à bout de souffle, ce dragon aux cent mamelles taries, ce monstre terrassé dont les écailles se décomposent en tout ce que l’aberration de la pensée humaine a cru devoir énumérer de races et de castes pour pouvoir les dresser les unes contre les autres et dont la gueule n’a cessé de vomir le carnage et l’oppression. »

À la suite de cette exposition, Pablo Picasso l’invitera même à travailler avec lui en 1948.

Pablo Picasso, Les femmes d’Alger (Version ‘O’), huile sur toile, 114 x 146,4 cm. © Christie’s.
Pablo Picasso, Les femmes d’Alger (Version ‘O’), huile sur toile, 114 x 146,4 cm. © Christie’s. (Livre : Baya ou le grand vernissage raconte la plus grande peintre algérienne !).

Une tentative de définition

Certains qualifieront l’œuvre de Baya d’art brut, tel que l’exprime Jean Dubuffet : « […] des ouvrages artistiques tels que peintures, dessins, statues et statuettes, objets divers de toutes sortes, ne devant rien (ou le moins possible) à l’imitation des œuvres d’art qu’on peut voir dans les musées, salons et galeries ; mais qui au contraire font appel au fond humain originel et à l’invention la plus spontanée et personnelle ; des productions dont l’auteur a tout tiré (inventions et moyens d’expression) de son propre fond, de ses impulsions et humeurs propres, sans souci de déférer aux moyens habituellement reçus, sans égard pour les conventions en usage. »

D’autres parleront d’art naïf ou d’art surréaliste. En tout état de cause, il s’agit à la fois de l’expression intuitive d’une nécessité, mais aussi d’un projet réfléchi et raisonné de produire une œuvre artistique propre.

Baya invente son style, inspiré de l’art tribal et populaire algérien, et le peuple de femmes aux costumes chatoyants, d’oiseaux, d’animaux et d’objets qui enrichissent sa dimension symbolique et onirique.

baya peintre femme algerie Jardins d'orient
Baya : Jardins d’orient. (Livre : Baya ou le grand vernissage raconte la plus grande peintre algérienne !).

Interruption et retour à l’art

En 1953, Baya épouse Mahieddine Hadj Mahfoud, grand maître de la musique classique algérienne. Elle aura 6 enfants et cessera son activité artistique pendant une dizaine d’années.

El Hadj Mahfoud : Ya Chemaa / Ya Djoun. (Baya ou le grand vernissage : un livre raconte la plus grande peintre algérienne !).

Au début des années 1960, elle reprend le chemin de la création et voit l’Algérie, nouvellement indépendante, lui consacrer une rétrospective.

Dès lors et jusqu’à sa mort le 9 novembre 1998 à Blida, elle ne cesse de peindre et d’exposer dans le monde entier.

Baya lors l’exposition d’artistes algériens de la Fête de l’Humanité, à La Courneuve en Seine-Saint-Denis, en septembre 1998. © © Abderrahmane Ould Mohand
Baya lors l’exposition d’artistes algériens de la Fête de l’Humanité, à La Courneuve en Seine-Saint-Denis, en septembre 1998. © Abderrahmane Ould Mohand. (Baya ou le grand vernissage : un livre raconte la plus grande peintre algérienne !).

Une biographie de référence

Alice Kaplan explore dans Baya ou le grand vernissage la vie, l’histoire et le cheminement artistique de Baya Mahieddine. Une biographie de référence qui nous offre l’opportunité de découvrir les multiples facettes de cette figure singulière de l’art méditerranéen du XXe siècle, entre peinture, dessin et céramique. Un immense travail d’historienne qui s’appuie sur le fonds privé Baya, qui repose précieusement aux archives nationales d’Outre-Mer à Aix-en-Provence. Mais qui permet également de restituer le contexte historique de l’époque. Celui de l’après-guerre et de la guerre de libération algérienne, offrant une nouvelle perspective sur cette période. En somme, un ouvrage foisonnant qui entremêle la petite et la grande Histoire.

Alice Kaplan. (Baya ou le grand vernissage : un livre raconte la plus grande peintre algérienne !).
Alice Kaplan. (Baya ou le grand vernissage : un livre raconte la plus grande peintre algérienne !).

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Hakim Aoudia.

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