La plus précieuse des marchandises : un film d’animation sensible de Michel Hazanavicius !
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La plus précieuse des marchandises : un film d’animation sensible de Michel Hazanavicius !

Hakim Aoudia - Publié le

Temps de lecture : 3 minutes

Michel Hazanavicius, juif ashkénaze et touche-à-tout de génie, a évidemment l’histoire de la Shoah en lui. Ne sachant pas comment aborder la question, il a repoussé longtemps le sujet. Jusqu’à la lecture d’un texte de Jean-Claude Grumberg, un conte ayant recours à tous les artifices de narration du genre. Et en plus, il en a fait un dessin animé. La plus précieuse des marchandises : un film d’animation sensible de Michel Hazanavicius !

Il était donc une fois un couple de bûcherons très pauvres qui avaient perdu leur enfant,

dans un pays très froid, au moment où la guerre faisait rage autour d’eux. Tout s’enclenche aussi simplement avec très peu de mots, formidablement dits par le regretté Jean-Louis Trintignant, dont ça a dû être le dernier travail. Si les dialogues sont brefs, la bande son extrêmement précise rattache avec force tout ce récit à la réalité. Chant des oiseaux, jappements d’un chien, bêlement d’une chèvre, bruits d’ustensiles de cuisine. Plus le formidable travail des comédiens qui parlent, Dominique Blanc pour la bûcheronne, Grégory Gadebois pour son homme, Denis Podalydès pour une gueule cassée voisine, casting de rêve qui fait des merveilles. Les babillements du bébé sont, eux aussi, remarquables de justesse.

Le choix esthétique du dessin est assez original

Très fouillé, minutieusement construit dans le cadre, chaque détail compte dans la narration, les yeux des personnages qui avec peu de mouvement attirent le sens, un frisson dans les branches, et la neige qui tombe et enveloppe les paysages dans un flou ouaté très conte de fée, mais aussi traversés par des trains qui crachent le feu de l’enfer.

Il y a l’émerveillement de ce bébé récupéré par la bûcheronne, sa difficile acceptation par le bûcheron qui finalement l’adore. Beaucoup d’émotion positive dans cette partie de l’histoire. Comme cette formidable découverte par le bûcheron du cœur de la petite, dont il sent les battements, et qui soudain le rend sensible au vivant, à tout le vivant. Ou le gag à la Disney d’un bloc de neige qui tombe sur la bûcheronne, ce qui fait rire l’enfant, qui reçoit ensuite lui aussi son bloc de neige. Ou encore ce formidable jeu de l’enfant avec la barbichette de la chèvre.

LA PLUS PRÉCIEUSE DES MARCHANDISES – Bande-annonce Officielle – Michel Hazanavicius (2024). (La plus précieuse des marchandises : un film d’animation sensible de Michel Hazanavicius !).

Mais il y a aussi le côté sombre,

parce que le dessin animé rentre dans ces trains de l’enfer. Et suit non seulement la décision de « jeter » l’enfant mais ensuite, l’entrée dans le camp et même encore plus loin, le travail du père, et son image qui petit à petit devient cadavérique. Beaucoup de codétenus disparaissent, s’effacent de l’image comme les six millions de gens qui se sont dissous dans les camps. L’image perd son animation dans beaucoup de séquences, notamment celle des dessins d’Hazanavicius qui expriment l’horreur.

Les deux côtés vont se rejoindre dans une première rencontre,

à la libération des camps, entre le père et sa fille. Avec la bûcheronne, elle vend du fromage de la chèvre qui l’a nourri depuis le début. Le père arrive et reconnaît le foulard tissé de quelques fils d’or qui enveloppait l’enfant et qui maintenant sert à envelopper les fromages. Mais l’enfant a peur de lui. Et lorsque la fenêtre derrière s’éteint et qu’il voit son reflet dans la vitre, il comprend pourquoi : il n’est plus qu’un cadavre, il n’a plus rien d’humain. Il préfère s’en aller. Séquence absolument merveilleuse d’émotion pure, de vérité implacable, d’intense expression de l’horreur vécue.

Michel Hazanavicius réussit son premier film d’animation avec « La plus précieuse des marchandises ». (La plus précieuse des marchandises : un film d’animation sensible de Michel Hazanavicius !).

La morale du conte

Une deuxième rencontre vingt ans plus tard complète et termine le film, dans une gare dessinée avec une impressionnante précision. Les personnages ne sont plus tout à fait dans le même style. Les trains ont changé, eux aussi. Cet épilogue n’est pas dans le ton du conte, mais insiste sur l’invention des personnages qui ont raconté une histoire que certains affirment inventée elle aussi.

Les contes sont en général destinés aux enfants, pour amadouer leurs peurs ou les mettre en garde contre la noirceur du monde. Ce conte-ci, pour enfants un peu grands, témoigne juste de la pire horreur que des humains ont fait vivre à d’autres, mais aussi de la grandeur de certains, de leur empathie profonde, de leur amour au risque de la mort. Les Justes, qui ont choisi la vie au risque de la leur.

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Par Bernard Cassat. MagCentre.

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