Meilleurs livres pour comprendre l’Algérie !

Face à l’histoire riche et complexe de l’Algérie — de la colonisation à l’indépendance, de la « décennie noire » aux dynamiques contemporaines, en passant par sa diversité géographique (mer, montagnes, plaines, désert), historique (numides, romains, vandales, byzantins, fatimides, ottomans), culturelle (berbère, arabe, turque, africaine), religieuse (musulmane, chrétienne, juive) et ses mutations sociales — il est aujourd’hui plus que jamais utile de prendre le temps de la lire, pour mieux la comprendre et la décrypter. Voici donc notre sélection, certes subjective et non exhaustive, des meilleurs livres pour comprendre l’Algérie !

Femmes d’Alger dans leur appartement (Assia Djebar)

Avec Femmes d’Alger dans leur appartement (1980), Assia Djebar, première Algérienne élue à l’Académie française, signe un recueil de nouvelles aussi poétique que subversif. En écho au célèbre tableau de Delacroix, l’auteure déploie une polyphonie de destins féminins, arrachés à l’ombre des appartements et des silences imposés. Ces récits, tantôt haletants, tantôt contemplatifs, restituent la parole à celles que l’Histoire a trop souvent réduites au mutisme : femmes mariées à treize ans, veuves, guerrières oubliées, ou simples porteuses de rêves étouffés.

Djebar, avec une prose à la fois lyrique et tranchante, interroge l’héritage colonial et les carcans traditionnels, tout en célébrant la résistance des Algériennes. Chaque nouvelle est un fragment de mémoire, une fenêtre entrouverte sur l’intime et le politique, où se mêlent les voix des aïeules et celles des filles en quête d’émancipation. L’écriture, tantôt chant, tantôt cri, devient l’arme ultime contre l’oubli.

La Grande Maison (Mohammed Dib)

Dans La Grande Maison (1952) de Mohammed Dib, la vie trépidante et misérable de Dar Sbitar, vaste logis collectif en périphérie de Tlemcen, devient le creuset d’une naissance à la conscience. On y suit Omar, enfant insurgé contraint par la faim, la promiscuité et l’indigence, qui comprend peu à peu que sa liberté ne se limite pas à chanter ou à recevoir l’aumône, mais que survie et dignité sont les deux faces d’une même quête.

À travers un style à la fois sec et poétique, Dib expose l’âpreté du quotidien colonisé — la faim animale des enfants, la misère des locataires, les écoles qui enseignent une patrie qui n’est pas la leur — et, sans céder à la plainte, glisse le ferment d’une prise de conscience collective.

Le Fils du pauvre (Mouloud Feraoun)

Paru en 1950, Le Fils du pauvre de Mouloud Feraoun reste un classique incontournable de la littérature algérienne d’expression française. À travers le destin de Fouroulou Menrad, jeune Kabyle avide de savoir, Feraoun nous plonge dans l’Algérie coloniale des années 1920-1930, où la pauvreté se heurte à l’espoir d’une éducation libératrice. Ce roman, souvent qualifié d’autobiographique, est bien plus qu’un simple témoignage : c’est une ode à la résilience, une leçon de dignité face à l’adversité, et un hommage vibrant à la culture kabyle, menacée par les bouleversements de l’histoire.

L’écriture de Feraoun, sobre et poétique, évite tout misérabilisme. Elle révèle, avec une pudique ironie, les contradictions d’une société tiraillée entre tradition et modernité. L’auteur, lui-même instituteur, y célèbre la force transformatrice de l’école, sans jamais occulter le prix à payer pour s’en emparer. « Le Fils du pauvre » est ainsi un roman de formation, mais aussi un miroir tendu à toute une génération, celle qui, malgré la faim et l’humiliation, osa rêver d’un autre destin.

Voyage en Algérie antique (Ferrante Ferranti)

Dans Voyage en Algérie antique de Ferrante Ferranti, s’affirme une traversée visuelle et érudite du patrimoine romain de l’Algérie, rarement référencé avec autant de majesté. Photographe formé à l’architecture et natif de la Méditerranée, Ferranti offre au lecteur une extraordinaire promenade à travers des sites comme Tipasa, Djemila, Timgad ou encore Cherchell, tous immortalisés dans une lumière finement étudiée.

L’ouvrage, publié en 2013 aux éditions Actes Sud, combine des images saisissantes et un texte d’accompagnement de l’académicien Dominique Fernandez qui invite à « déambuler au gré des sites, allant d’une mosaïque à une autre, s’arrêtant dans un forum, admirant un arc de triomphe, rêvant au pied d’une colonne ».

Nedjma (Kateb Yacine)

Paru en 1956, Nedjma s’impose comme le roman fondateur de la littérature maghrébine d’expression française, une œuvre où la poésie le dispute à la violence de l’Histoire. Kateb Yacine y tisse, avec une audace rare, le destin de quatre jeunes Algériens épris d’une même femme, Nedjma, figure à la fois charnelle et allégorique, miroir d’une Algérie déchirée entre tradition et modernité, colonisateur et colonisé.

L’écriture, au français tantôt hérité, tantôt réinventé, incarne une langue dès lors ambivalente — instrument du colonisateur, terrain de l’émancipation. Mais également la complexité d’un pays en pleine convulsion, où chaque personnage incarne une facette de la lutte pour l’indépendance. Nedjma, elle, devient le symbole d’une terre convoitée, aimée, jamais tout à fait possédée.

L’Opium et le bâton (Mouloud Mammeri)

Publié en 1965, L’Opium et le Bâton de Mouloud Mammeri s’impose comme l’un des grands romans de la guerre d’indépendance algérienne. Situé dans le village kabyle fictif de Thala, il met en scène Bachir, jeune médecin revenu de la ville, qui rejoint son frère Ali dans la lutte pour la libération, tandis que leur autre frère Belaïd renseigne les français.

Avec une sobriété poignante, Mammeri restitue les fractures et dilemmes d’un peuple pris entre la colonisation française et le soulèvement national. Le village, ses silences, ses dénonciations, deviennent un microcosme de l’Algérie : le drame y bat son plein, révélant la lâcheté, l’héroïsme, la trahison et la dignité.

Goûts d’Algérie (Hanane & Anissa Abdelli)

Avec Goûts d’Algérie, Hanane Abdelli, cheffe du célèbre restaurant parisien Mama Nissa, et sa mère Anissa signent bien plus qu’un livre de cuisine : une ode vibrante à la mémoire et aux saveurs d’un pays. À travers soixante recettes authentiques, transmises de mère en fille, les auteures nous invitent à redécouvrir une gastronomie trop souvent méconnue, où se mêlent influences berbères, arabes, ottomanes et françaises. Ce beau livre, richement illustré et publié aux éditions Mango, est une véritable plongée sensorielle, où chaque plat raconte une histoire, un souvenir, une émotion.

L’originalité de l’ouvrage réside aussi dans les témoignages de personnalités algériennes, comme Rachid Arhab, Lina Soualem ou Benjamin Stora, qui évoquent avec tendresse leur rapport intime à cette cuisine de l’enfance. Goûts d’Algérie est donc à la fois un recueil culinaire et un hommage touchant à un patrimoine vivant, porté par l’amour d’une mère pour sa fille, et d’une fille pour ses racines.

La guerre d’Algérie (Mohammed Harbi/Benjamin Stora)

Avec La guerre d’Algérie, Mohammed Harbi et Benjamin Stora ont relevé un défi aussi ambitieux qu’indispensable : mettre fin à l’amnésie collective qui entoure encore la guerre d’Algérie. Leur ouvrage, fruit d’une collaboration avec les meilleurs spécialistes de la question, se distingue par une approche thématique, centrée sur les acteurs et le travail de mémoire, plutôt que par une simple chronologie des événements. En privilégiant la rigueur historique et la diversité des points de vue, les auteurs offrent une mise à plat dépassionnée et objective de ce qui reste, à bien des égards, un grand drame national des deux côtés de la méditerranée.

Ce livre, salué pour sa profondeur et son équilibre, s’impose comme une référence incontournable. Il permet enfin de regarder en face un passé douloureux, de cesser de le mythifier ou de s’en détourner, pour mieux le comprendre et, peut-être, en apaiser les mémoires blessées.

Bleu blanc vert (Maïssa Bey)

Avec Bleu blanc vert, Maïssa Bey signe un roman aussi sobre que puissant, où l’intime se mêle à l’Histoire. À travers les destins croisés de Lilas et Ali, elle retrace trente ans d’histoire d’un pays en quête d’identité, de l’euphorie de l’indépendance en 1962 aux sombres années 1990. Son écriture, nerveuse et poétique, évite tout pathos pour mieux saisir l’essentiel : les espoirs, les désillusions, les silences d’une génération prise entre héritage colonial et montée de l’intégrisme.

La symbolique des couleurs — le remplacement du rouge par le vert dans les encres scolaires — devient le fil rouge d’un récit qui épouse l’histoire nationale. Maïssa Bey fait preuve d’un art subtil pour croiser le grand récit historique et l’intime : l’amour, la trahison, l’engagement, l’ombre de la peur — tout cela se noue dans un immeuble d’Alger, reflet d’une société en mutation.

Histoire de l’Algérie contemporaine (Pierre Vermeren)

Avec son ouvrage, Histoire de l’Algérie contemporaine – De la régence d’Alger au Hirak (XIXe-XXIe siècles), l’historien Pierre Vermeren, professeur à la Sorbonne et fin connaisseur du Maghreb, offre une plongée érudite et accessible dans les méandres d’une histoire trop souvent réduite à ses fractures. De la période ottomane à l’émergence du Hirak, en passant par la colonisation française et l’ère du FLN, l’auteur restitue avec brio la complexité d’un pays dont le destin se confond avec les grands bouleversements de l’histoire méditerranéenne.

Loin des clichés et des jugements hâtifs, Vermeren redonne vie aux grandes figures – de l’Émir Abdelkader à Abdelaziz Bouteflika, en passant par Houari Boumédiène – tout en restituant la complexité d’une société algérienne trop souvent caricaturée. Son approche, à la fois érudite et accessible, séduit par sa capacité à lier les temps forts de l’histoire aux enjeux contemporains, sans jamais tomber dans le déterminisme.

Les Vigiles (Tahar Djaout)

À l’instar des grands romans prémonitoires, Les Vigiles de Tahar Djaout, publié en 1991 et couronné par le Prix Méditerranée, se lit aujourd’hui comme une tragique prophétie. L’auteur y met en scène Mahfoud Lemdjal, jeune professeur et inventeur d’un métier à tisser révolutionnaire, dont le seul tort est de vouloir innover dans une Algérie étouffée par ses propres démons. Autour de lui, les « vigiles » — autoproclamés gardiens de l’ordre moral et politique — tissent leur toile de suspicion, de brimades et de bureaucratie absurde. Djaout, avec une ironie mordante et une lucidité implacable, dépeint une société où la méfiance envers les intellectuels s’est érigée en système, où l’on préfère étouffer l’espoir plutôt que de risquer le changement.

Ce roman, souvent qualifié de kafkaïen, transcende le simple portrait social pour devenir une allégorie universelle de la lutte entre obscurantisme et lumière. Assassiné en 1993 pour son engagement, l’auteur incarne lui-même le combat qu’il décrit, faisant de ce livre un testament littéraire d’une actualité brûlante.

La Malédiction (Rachid Mimouni)

Avec La malédiction, publié en 1993, Rachid Mimouni fait de la fiction une réalité ; celle d’un pays où l’on est condamné à mort pour ses idées, où les membres d’une même famille s’entre-tuent et où l’on égorge les enfants à la chaîne.

Dans l’Algérie de juin 1991, alors que les intégristes lancent une grève insurrectionnelle et occupent le plus grand hôpital d’Alger, l’auteur choisit l’institution médicale comme métaphore d’un pays en état de siège. Le protagoniste, Kader, jeune obstétricien, devient le fil rouge de ce récit haletant où s’entremêlent un intellectuel désabusé, une femme pleine d’espoir, un vieil homme hanté par la guerre de libération. La grande maison de soins se transforme en champ de bataille psychologique, moral et politique.

Il dédiera ce roman à son ami Tahar Djaout, exécuté quelques semaines plus tôt, en ces termes : « À la mémoire de mon ami, l’écrivain Tahar Djaout, assassiné par un marchand de bonbons sur l’ordre d’un ancien tôlier. »

À quoi rêvent les loups (Yasmina Khadra)

Avec À quoi rêvent les loups (1999), Yasmina Khadra livre bien plus qu’un roman : une plongée vertigineuse dans les abîmes de l’âme humaine et les fractures d’une société algérienne déchirée par la violence des années 1990. À travers le destin de Nafa Walid, jeune acteur rêvant de gloire avant de basculer dans l’horreur du fanatisme, l’auteur déploie une réflexion implacable sur les mécanismes de l’embrigadement, la manipulation des esprits fragiles, un régime gangrené par la corruption et la banalisation du mal. Ce récit, d’un réalisme à la fois cru et poétique, s’appuie sur une documentation rigoureuse et une expérience vécue : ancien officier de l’armée algérienne, Khadra connaît les rouages de la décennie noire et les ressorts psychologiques qui poussent des jeunes gens ordinaires à devenir des bourreaux.

Algérie, soyez les bienvenus (Claire et Reno Marca)

Algérie, soyez les bienvenus ! (Éditions La Martinière, 2011) de Claire Marca et Reno Marca, se présente comme un carnet de voyage à part entière : quatre mois de périple, de la Méditerranée au Sahara, pour saisir l’Algérie dans toute sa lumière, sa complexité et sa générosité. Ainsi, les auteurs nous offrent un récit de voyage aussi généreux que les terres qu’il explore, mêlant avec talent texte et image pour révéler une Algérie colorée, fraternelle, vibrante de générosité et riche d’une diversité culturelle infinie.

Loin des clichés et des préjugés, ce beau livre, illustré de plus de 600 dessins et photographies, nous plonge dans une Algérie d’aujourd’hui, chaleureuse et surprenante. L’occasion de capter l’âme d’un pays trop souvent réduit à ses heures sombres. Et qui donne envie de rencontrer ces Algériens si accueillants, mais également de découvrir enfin un territoire où chaque paysage, chaque rencontre, est une invitation à l’émerveillement.

Le Livre de l’Émir (Waciny Lâredj)

Le Livre de l’Émir (2006) de Waciny Laredj ressuscite avec brio la figure fascinante de l’émir Abdelkader (1808-1883) ; chef de guerre, érudit soufi, franc-maçon et homme de paix. À travers une documentation historique rigoureuse et une narration passionnante, l’auteur nous plonge dans les contradictions et les grands desseins de l’émir : son combat contre le colonialisme français, le tribalisme, son rêve d’un État moderne, son emprisonnement en France, puis son exil en Syrie, où il devient protecteur des chrétiens de Damas.

L’an V de la révolution algérienne (Frantz Fanon)

Publié en 1959 chez François Maspero – puis réédité sous le titre Sociologie d’une révolution – L’an V de la révolution algérienne de Frantz Fanon s’impose aujourd’hui comme un véritable classique de la décolonisation, aujourd’hui réédité chez La Découverte.

Militant du FLN, Fanon livre ici un texte puissant et engagé, issu de son vécu sur le terrain et de son rôle dans la guerre d’indépendance.

À travers cinq chapitres thématiques — voile et condition féminine, radio, médecine, famille arabe… — il décrypte les profondes mutations de la société algérienne en lutte pour la liberté. Sa sociologie révolutionnaire, sans concession, met en lumière la maturation politique du peuple algérien ignorée par le colonisateur.

Ouvrage à la fois historique et analytique, il demeure une lecture incontournable pour comprendre les dynamiques révolutionnaires et l’émergence d’un nouvel humanisme anticolonial, d’une actualité saisissante.

Je ne parle pas la langue de mon père (Leïla Sebbar)

Publié en 2003, Je ne parle pas la langue de mon père de Leïla Sebbar se déploie comme un recueil intime et puissant, tissant le récit d’une fille face à l’absence — celle de la langue, celle du père et celle d’un pays. La romancière née d’un père algérien et d’une mère française interroge avec finesse le silence qui a marqué son enfance en Algérie coloniale, et le fossé que creuse l’exil.

Le titre — sans détour — annonce une fracture : « Je ne parle pas la langue de mon père ». Cette confession, répétée comme un refrain obsessif, structure un récit où se mêlent souvenirs, interrogations et fragments de vie. On y lit la difficulté de vivre entre deux langues, deux cultures, deux rives de la Méditerranée, sans en posséder aucune pleinement.

Carnets d’Orient (Jacques Ferrandez)

Avec les Carnets d’Orient, Jacques Ferrandez signe une bande dessinée magistrale, à la fois fresque historique et saga familiale, qui plonge le lecteur au cœur de deux siècles d’histoire franco-algérienne. Inspiré par les carnets de Delacroix et nourri d’archives rigoureuses, Ferrandez retrace, sans manichéisme, la conquête, la colonisation et les tourments de l’indépendance, à travers des destins croisés, des amours interdites et des drames intimes. Son trait, à la fois précis et sensible, restitue la lumière crue du Maghreb comme les ombres d’un passé douloureux, invitant à une lecture nuancée, loin des simplifications de l’histoire officielle.

Meursault, contre-enquête (Kamel Daoud)

Avec Meursault, contre-enquête, Kamel Daoud signe un roman aussi audacieux qu’indispensable, salué par la critique et couronné du prix Goncourt du premier roman en 2015. L’écrivain algérien, chroniqueur au Quotidien d’Oran, ose un dialogue vertigineux avec L’Étranger d’Albert Camus. Soixante-dix ans après le meurtre de l’Arabe anonyme sur une plage algérienne, Daoud redonne voix et nom à la victime : Moussa. À travers le monologue envoûtant de son frère Haroun, vieilli dans l’Algérie indépendante, le roman interroge l’héritage colonial, la mémoire et l’identité, avec une prose à la fois charnelle et implacable.

Là où Camus faisait de Meursault un anti-héros existentiel, Daoud en révèle l’envers tragique : et si l’absurde n’était pas seulement celui du meurtrier, mais aussi celui de l’oubli ? Le style, tantôt lyrique, tantôt rageur, captive par sa puissance évocatrice. « Une langue se boit et se parle, et un jour elle vous possède« , écrit Daoud, et c’est bien cette langue, à la fois soleil et ombre, qui porte l’émotion du récit.

Récits d’Algérie (Farah Khodja)

Avec Récits d’Algérie, Farah Khodja signe un ouvrage où la grande Histoire se mêle aux destins individuels. À travers une collecte rigoureuse de témoignages, l’autrice, juriste et fondatrice du projet éponyme, brise le silence qui entoure encore trop souvent la colonisation et la guerre d’indépendance algérienne. Ces récits, portés par des voix de tous horizons – combattants, civils, descendants –, offrent une mosaïque de mémoires qui éclaire, sans jamais prétendre à l’exhaustivité, les complexités d’une période trop longtemps enfouie.

L’originalité de l’ouvrage tient à sa démarche intergénérationnelle : des jeunes, souvent issus de l’immigration, recueillent la parole de leurs aînés, tissant ainsi un pont entre passé et présent. Farah Khodja, en compilant ces histoires intimes, ne se contente pas de documenter ; elle redonne une place centrale à la transmission, essentielle pour comprendre les héritages et les fractures de notre société.

Le voyage en Algérie (Franck Laurent)

Publié en 2008 sous le titre Le voyage en Algérie : Anthologie de voyageurs français dans l’Algérie coloniale, 1830‑1930 par Franck Laurent, cet imposant volume de plus de 1 000 pages rassemble les récits foisonnants de journalistes, officiers, écrivains — de Gustave Flaubert à Guy de Maupassant — venus fouler les rivages algériens du XIXᵉ siècle.

Guidé par une introduction érudite et une chronologie minutieuse, Laurent ordonne les textes selon la marche de la colonisation, du débarquement à Sidi-Ferruch (Sidi Fredj) jusqu’aux célébrations du centenaire de la présence française.

Un livre qui interroge les fondations littéraires et idéologiques d’un empire, comme le note Franck Laurent, « tous portent témoignage du fait colonial ».

Bourdieu – Une enquête algérienne (Pascal Génot/Olivier Thomas)

Avec Bourdieu – Une enquête algérienne, Pascal Génot et Olivier Thomas signent un roman graphique aussi ambitieux qu’indispensable. À travers une enquête minutieuse, les auteurs retracent le séjour algérien du jeune Pierre Bourdieu, alors appelé du contingent, et montrent comment cette expérience fondatrice a forgé le regard du futur sociologue. Loins des sentiers battus de la biographie classique, Génot et Thomas mêlent habilement récit historique et enquête contemporaine, s’appuyant sur des témoignages inédits et une documentation rigoureuse pour restituer l’atmosphère d’une Algérie en pleine tourmente.

Une bande dessinée qui restitue avec justesse la complexité des rapports sociaux et la violence de la guerre d’indépendance. L’ouvrage, fruit de huit années de travail, ne se contente pas de raconter : il interroge, confronte les mémoires, et éclaire d’un jour nouveau la genèse d’une pensée sociologique majeure.

Chroniques algériennes (1939-1958) (Albert Camus)

Les Chroniques algériennes (1939-1958) d’Albert Camus est un recueil d’articles, qui révèlent la profondeur de l’engagement d’un écrivain face à l’histoire tragique de son pays natal. Camus, enfant d’Algérie, y dénonce avec une lucidité implacable la misère en Kabylie, la violence coloniale et les dérives d’une politique française aveugle, tout en appelant à une trêve civile et à une justice pour tous les peuples d’Algérie. Ces textes, souvent méconnus, montrent un Camus journaliste, moraliste, en prise directe avec les réalités sociales et politiques de son temps, bien avant que la guerre d’Algérie n’éclate au grand jour.

Ce qui frappe, c’est la constance de sa voix : refusant à la fois l’oppression et la démission, Camus propose une troisième voie, humaniste et courageuse, entre les extrêmes. Ses reportages, comme ceux sur la famine en Kabylie ou ses prises de position dans « Combat » et « Le Monde », témoignent d’une pensée en acte, toujours soucieuse de désintoxiquer les esprits et de prévenir le pire.

Algérie – Une histoire millénaire (Frédéric Soreau)

Avec Algérie – Une histoire millénaire, Frédéric Soreau signe un beau livre et une invitation au voyage. Une plongée dans l’âme d’un pays où chaque pierre, chaque paysage, raconte une épopée. Formé à l’École du Louvre et fin connaisseur des civilisations, l’auteur nous guide, des ruelles d’Alger aux dunes du Hoggar, à la découverte d’un patrimoine aussi riche que méconnu. Son regard, à la fois celui du photographe et de l’historien, capture l’essence d’une terre carrefour, où se mêlent influences berbères, arabes, ottomanes et françaises.

Soreau ne se contente pas de décrire : il révèle. À travers des clichés saisissants et une prose accessible, il met en lumière les contrastes de l’Algérie, entre modernité et tradition, entre la douceur des rives méditerranéennes et la majesté du désert. Alger, Tlemcen, Tipaza ou encore le M’Zab deviennent, sous sa plume, des lieux de mémoire et de contemplation.

Un maillot pour l’Algérie (Javi Rey/Kris/Bertrand Galic)

Un maillot pour l’Algérie est roman graphique signé par le trio Kris, Bertrand Galic et Javi Rey, publié chez Dupuis. À travers le destin méconnu de footballeurs algériens ayant quitté clandestinement la France en 1958 pour rejoindre les rangs du FLN, les auteurs mêlent avec brio sport, politique et destinées humaines.

Le dessin réaliste et expressif de Javi Rey, servi par une narration rigoureuse, restitue l’intensité de cette épopée où le football devient une arme de résistance. Kris et Galic, scénaristes passionnés d’histoire, ont su donner vie à ces « fellaghas du ballon rond » dont l’engagement a contribué à faire avancer la cause algérienne. Entre matchs enflammés et tensions géopolitiques, cette bande dessinée captivante rappelle que le sport, parfois, écrit l’Histoire avec un grand H.

Françalgérie, crimes et mensonges d’États (Lounis Aggoun/Jean-Baptiste Rivoire)

Avec Françalgérie, crimes et mensonges d’États, Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire signent une enquête implacable, aussi documentée que glaçante, sur les sombres intrications entre les élites politiques et militaires algériennes et une partie de l’establishment français. Ce livre, fruit d’un travail d’investigation rigoureux, lève le voile sur la « Françalgérie » : un système de corruption, de désinformation et de complicités qui a permis à quelques généraux algériens de s’emparer du pouvoir et de plonger le pays dans la violence des années 1990, sous le regard complice de la France.

Les auteurs déconstruisent méthodiquement le récit officiel d’une Algérie en proie à une guerre entre islamistes et démocrates. Ils révèlent, preuves à l’appui, comment la « décennie noire » a servi de paravent à une lutte pour le contrôle du pétrole et à l’enrichissement d’une oligarchie mafieuse, soutenue par des réseaux français.

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Hakim Aoudia.