Quand la musique inspire la littérature : le rap !
Julia Pialat Joy Sorman Laurent Rigoulet Kate Tempest Rachid Santaki

Quand la musique inspire la littérature : le rap !

Hakim Aoudia - Publié le

Temps de lecture : 6 minutes

Alors que la littérature peut se prévaloir de la force du discours, de la raison et de la connaissance, la musique semble plus propice à exprimer les émotions et sentiments. Cependant, rien n’est moins sûr, comme nous le prouvent certaines musiques savantes ou la littérature sentimentale. En effet, il arrive régulièrement que ces deux arts s’inspirent mutuellement. Voici notre sélection de littérature inspirée par la musique, avec cette fois-ci, après le jazz un petit tour du côté du rap.

Quand la ville s’éteint de Julia Pialat (J.C. Lattès)

Cobra est un gamin d’une vingtaine d’années, pur produit du quartier Strasbourg Saint-Denis à Paris. Entre l’épicerie de son père et le bar Chez Jeannette, il rêve de sortir son premier album de rap et de devenir une star.

Lorsqu’il rencontre Chérif, ancien producteur de raï sur le retour, son destin bascule.

Une incroyable énergie se dégage de ce roman : celle du style virevoltant de Julia Pialat, de ses personnages hauts en couleur, de la pulsation propre à toutes ces musiques métissées et enfin, de ce quartier, à nul autre pareil ou bat le cœur du monde.

Quand la ville s’éteint de Julia Pialat (Quand la musique inspire la littérature : le rap). Crédit photo J.C. Lattès.

La gentrification des quartiers populaires

Quand la ville s’éteint met en valeur ces populations modestes et diverses qui font la richesse de nos quartiers, et pose la question de la gentrification des quartiers populaires des grandes villes, toujours aussi vivants, mais de plus en plus bobo, comme le formule si bien Cobra : « En ce temps-là, Strasbourg – Saint-Denis bruissait encore de l’énergie chaotique des quartiers populaires. C’était peu de temps avant que le quartier se fasse sauvagement gentrifier la gueule. Les boucheries halal donnaient encore du tu aux coiffeurs algériens. Les blédards se réunissaient devant les magasins de téléphonie mobile détenus par des Pakistanais. On pouvait s’échanger des cigarettes trafiquées et des bananes plantains. C’était la grande époque des magasins alimentaires chinois et des tailleurs turcs. Les salons de coiffure afro avaient pignon sur rue. Salon de la tresse, Palais de la mèche, Prestige Beauté, Saint-Esprit Cosmétique, Gloire à Dieu coiffure. »

Rentrée littéraire 2021 | Rencontre avec Julia Pialat (Quand la musique inspire la littérature : le rap).

Du bruit de Joy Sorman (Gallimard)

Du bruit de Joy Sorman (Quand la musique inspire la littérature : le rap). Crédit photo éditions Gallimard.

Dans ce texte coup-de-poing, à mi-chemin entre le roman, le récit et l’essai, Joy Sorman montre le rap de l’intérieur ; du point de vue de la fan qu’elle était et de l’importance qu’à eu l’arrivée du groupe NTM dans son paysage musical : « La jeunesse pardonne à tous sauf à ceux qui font semblant. Elle ne pardonne pas cet intérêt factice et inepte pour le rap, le rap considéré comme révélateur et témoin d’un horizon social sinistré, le rap-fait de société. Elle ne pardonne pas cette approche strictement sociologique du rap qui le vide de sa substance, du spectaculaire de ses formes. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de banlieues, je ne nie pas que là-bas plus qu’ailleurs gronde le flow, je dis bout de la lorgnette du cerveau, pensée atrophiée, regard mal porté, mal vu, passé à côté, et je dis puissance du rap manquée. Le mépris social nous oblige à invoquer l’art, à ramener la science. On aurait préféré éviter, mais le mépris social contraint la jeunesse et les avocats à brandir le mot : art. »

Rap et littérature : la session Gucci de Dinos et Joy Sorman (Quand la musique inspire la littérature : le rap).

Brûle de Laurent Rigoulet (Don Quichotte)

Nous sommes à New York, dans le Bronx, en plein cœur des années 1970.

Clive Campbell, alias Kool Herc est disc-jockey, rappeur, graffeur et danseur. Ainsi, malgré son quotidien fait de violence, de drogue et de lutte des gangs, il va participer à la création d’un mouvement : le hip-hop, et d’une musique : le rap, qui vont révolutionner le monde : « Nous rêvions d’un nouvel élan. La musique, il fallait qu’elle explose, qu’elle bouscule tout sur son passage. Tu nous vois danser ? Tu nous vois bondir ? Tu l’entends gueuler, ton quartier ? Le monde qu’ils ont abandonné, tu l’entends crier ? Ils l’ont négligé, ils l’ont lâché, ils ont largué les amarres, et bientôt il se dressera face à eux, le Nouveau Monde, le monde de demain. »

Brûle de Laurent Rigoulet (Quand la musique inspire la littérature : le rap). Crédit photo Don Quichotte.

Écoute la ville tomber de Kate Tempest (Rivages)

Cette puissante fresque sociale suit le quotidien de quatre jeunes londonien.ne.s.

Un texte percutant, à la limite de la poésie et du slam, dont on ne sort pas indemne : « Ça vous rentre dans la peau, on n’en prend pas conscience tout de suite ……. Les fantômes du passé sont de sortie,le regard braqué sur eux. Peau douteuse , yeux renfoncés, sourires flippés. Ils le sentent dans leurs os, même. Le pain , la picole, le béton. La beauté que ça renferme. Les souvenirs fragmentés qui les aveuglent . Prêcheurs , parents, ouvriers . Des idéalistes aux pupilles vides qui vont droit dans le mur. Les réverbères , les voitures, les cadavres à enterrer , les bébés à faire . Un boulot. Rien qu’un boulot. »

Écoute la ville tomber de Kate Tempest (Quand la musique inspire la littérature : le rap). Crédit photo Rivages.

Des chiffres et des litres de Rachid Santaki (Alvik)

Des chiffres et des litres de Rachid Santaki (Quand la musique inspire la littérature : le rap). Crédit photo Alvik.

Saint-Denis fin des années 1990 : Hachim, brillant élève de 17 ans, rêve de devenir journaliste.

Passionné de culture hip-hop, c’est un pur produit de la banlieue nord-parisienne : « Saint-Denis (…) bâille une mauvaise haleine, s’étire et se lève. Je ne l’aime pas pour ses cités, mais pour son âme, ce qu’elle fait de nous, des débrouillards. »

Malheureusement, le sort en décidera autrement et le jeune homme choisira une autre voie : « J’ai dealé ma jeunesse contre le trafic, les soucis, la vengeance, le fric. Mes pensées se bousculent comme les usagers de la ligne 13 aux heures de pointe. J’avais tout pour briller, j’ai tout raté. »

Clip du morceau Des Chiffres Et Des Litres Mac Tyer (Quand la musique inspire la littérature : le rap).

Sans fautes de frappe de Bettina Ghio (Le Mot et le Reste)

Sans fautes de frappe de Bettina Ghio (Quand la musique inspire la littérature : le rap). Crédit photo Le Mot et le Reste.

Une fois n’est pas coutume, voici un essai qui prend la défense de ce genre musical si souvent réduit aux clichés : « Mais couchée sur les pages d’un livre, la violence des propos pourtant tout aussi intense, devient symbolique et par là, honorable. D’une certaine façon, ce que l’on ne permet pas aux rappeurs est autorisé aux écrivains, le livre jouissant en France d’une place plus respectable qu’un morceau chanté. »

Ainsi, il situe le rap dans une très large histoire culturelle française et met en avant ses points communs avec la littérature française.

Bettina Ghio : « Le premier morceau de rap en français a été interprété par une femme ». (Quand la musique inspire la littérature : le rap).

Rosa Tandjaoui.

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