Le Petit Chaperon Rouge au Théâtre de La Huchette !

Le Petit Chaperon Rouge de Joël Pommerat au Théâtre de La Huchette : une version initiatique, pas moralisatrice, du conte de Perrault, portée avec talent et énergie par Nina Cruveiller et Nina Ballester, à voir par toutes les générations, et dès l’arrivée au collège.

Par Guillaume d’Azémar de Fabrègues

Sur les marches qui montent vers la scène de La Huchette, un balluchon posé sur un ciré jaune bien plié. Les messages d’usages, Il était une fois une petite fille….

Qui ne connait pas l’histoire du Petit Chaperon Rouge ?

Une histoire éternelle, on en trouve une première version écrite dès le X^e siècle, figée dans une version moralisatrice par Charles Perrault en 1697, complétée par les frères Grimm, détournée par Tex Avery. Qui n’a pas dit « c’est pour mieux te manger mon enfant » en chatouillant le ventre de son jeune enfant ?

Le texte de Joël Pommerat donne un autre équilibre à l’histoire. Son Loup est un louveteau presque touchant qui lui aussi découvre la vie, qui a seulement faim. La Grand Mère ? Elle est sourde comme un pot. Et le Petit Chaperon Rouge ? Elle s’ennuie à la maison, sa mère n’a pas le temps de s’occuper d’elle, elle grandit, se prend en main, se croit autonome et forte. Il garde une forme narrative d’un conte raconté à plusieurs voix. Peu de dialogues.

Dans cet univers les hommes sont totalement absents

Dans cet univers, le Petit Chaperon Rouge est dynamique, elle grandit, fait ses choix, pas les meilleurs. Dans cet univers, le Loup n’est pas un monstre, ce n’est pas le Grand Méchant Loup, c’est louveteau maladroit qui découvre le monde tout autant que le Petit Chaperon Rouge, le pouvoir de la ruse et de la séduction. On ne sait pas bien s’il est naturellement bon et sympathique mais perverti par une société qui le prive de nourriture, ou s’il suit une pente naturelle d’être rusé et malveillant. Un univers ambigu, c’est aussi la portée initiatique du spectacle.

Nina Cruveiller et Nina Ballester ont serti le texte entre un prologue et un épilogue. Le spectateur peut glisser sans s’en rendre compte dans le spectacle, très féministe, plus tard il retrouvera ses marques avec le complément patriarcal apporté par les frères Grimm. Elles sont bourrées de talent, leur interprétation est précise, remplie d’énergie, dans une scénographie efficace, une porte, un lit, l’essentiel est là.

Elle a vu le loup

Une phrase qu’on prononce en souriant, le sous entendu du conte de Perrault. Pas de sous entendu, les choses sont claires, comme il est clair que le Petit Chaperon Rouge n’y a pas consenti, l’acte n’est ni légitime ni moral, là, il n’y a aucune ambigüité.

Une belle version du Petit Chaperon Rouge, portée par deux belles actrices énergiques. Initiatique sans être moralisatrice, elle présente le monde tel qu’il est. La mère pouvait-elle vaincre l’ennui de la petite fille, la petite fille pouvait-elle ne pas vouloir découvrir le monde par elle-même ? On ne peut pas y échapper, on peut la préparer. C’est déjà beaucoup.

C’est du bon théâtre

On verra la pièce avec plaisir, chaque génération recevra son message. Ce n’est pas une pièce pour enfants, c’est une pièce que les enfants peuvent voir dès qu’ils arrivent au collège, garçons et filles. Il y aura toujours une circonstance où on sera Petit Chaperon Rouge. Et un autre où on sera Loup.

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Cette chronique a été publiée pour la première fois sur www.jenaiquunevie.com