John le Carré, maître du roman d’espionnage !
Maître incontesté du roman d’espionnage, John le Carré, qui fut en son temps un véritable espion, n’a cessé d’analyser les enjeux de pouvoir et les luttes politiques. Disparu le 12 décembre 2020, il nous manque terriblement !
Une enfance mouvementée
David John Moore Cornwell, dit John le Carré, est un romancier britannique, né le 19 octobre 1931 à Poole dans le sud de l’Angleterre.
Il vit une enfance mouvementée et rude. D’un côté, un père escroc, qui fera de nombreux séjours en prison et de l’autre, une mère qu’il n’a quasiment jamais connue. Celle-ci l’abandonne à l’âge de cinq ans : « L’enfance est le fonds de commerce du romancier, nous dit Graham Greene. De ce point de vue là au moins, je suis né millionnaire. »

Il ajoute : « Dans ma prime adolescence, je n’avais ni connaissance ni respect des femmes. Toutes ces écoles pour garçons et tous les internats où je suis allé ont abouti à une merveilleuse aliénation de la société, ce qui est une qualité essentielle pour être créatif. »
Un passage par le Foreign Office
Ainsi, il étudie l’allemand et le français à l’université de Berne en Suisse de 1948 à 1949, avant de rejoindre l’université d’Oxford. Ensuite, il enseigne quelque temps au collège d’Eton pour finalement rejoindre le Foreign Office pendant cinq ans.
Les hasards d’une rencontre
John le Carré est approché pour la première fois par les services secrets britanniques, lors de son séjour à Berne : « L’espionnage, c’est comme les histoires d’amour, tout tient au hasard des rencontres. Un jour que je me sentais particulièrement seul et mélancolique, je m’étais rendu à l’église. Il y avait là un couple étrange qui, me voyant à ce point désemparé, m’a invité à prendre une tasse de thé, puis m’a convaincu que mon pays avait besoin de moi. J’étais trop jeune pour avoir connu la Seconde Guerre mondiale, mais j’étais habité par un fort sentiment de patriotisme. Et surtout, le monde du secret m’attirait. Je dois dire qu’en le pénétrant, j’y ai découvert un refuge ! »
Agent du MI6 et du MI5

Engagé par le MI5 dès l’âge de 18 ans, il infiltre des groupes d’étudiants communistes dès son retour à l’université d’Oxford.
En 1960, c’est le MI6 qui l’envoie en Allemagne, officiellement en tant que diplomate. Mais pratiquement, il effectue des interrogatoires, l’espionnage de lignes téléphoniques et la supervision d’agents.
Débuts en littérature
En 1961, alors qu’il est encore en service actif, parait son premier roman L’Appel du mort, dans lequel apparaît son personnage clé et récurrent George Smiley.

Cet antihéros, exact opposé de James Bond est décrit au début du premier chapitre : « Lorsque Lady Ann Sercombe épousa George Smiley à la fin de la guerre, elle le décrivit à ses amis de Mayfair, fort étonnés de la nouvelle, comme un personnage d’une banalité stupéfiante. »
Prendre ses distances avec le service
En 1963, avec L’espion qui venait du froid, son troisième roman, vient le succès mondial qui lui permet, petit à petit, de prendre ses distances avec le service. Ainsi, il se consacre exclusivement à l’écriture : « Autrefois il était de bon ton de me désigner comme un espion devenu romancier. Mais ce n’est pas du tout cela. Je suis un écrivain qui, très jeune, a passé quelques années infructueuses, mais très formatrices dans les services britanniques. » D’autant plus que son nom fait partie d’une liste, transmise au KGB par le transfuge Kim Philby.

Premières adaptations au cinéma
En 1974, il renoue avec le personnage de George Smiley. Celui-ci est mis à la retraite anticipée, puis sommé de reprendre du service dans La taupe. Le roman sera adapté à la télévision britannique en 1979, sous le titre Tinker, Tailor, Soldier, Spy en minisérie de 7 épisodes, avec Alec Guinness. Une adaptation au cinéma sera réalisée en 2011 par Tomas Alfredson, avec Gary Oldman et Colin Firth.

La maison Russie, en 1989, dresse le portrait d’une URSS finissante et analyse les conséquences de la chute du système soviétique. Une adaptation cinématographique sort en 1991, réalisée par Fred Schepisi avec Sean Connery et Michelle Pfeiffer.
La reconnaissance
Enfin, en 2001, parait La constance du jardinier, qui est considéré comme un roman à part dans son œuvre.
Ce thriller engagé se déroule au Kenya et dénonce les pratiques occultes des multinationales du secteur pharmaceutique en Afrique.
Il sera adapté au cinéma en 2005, réalisé par Fernando Meirelles, avec Ralph Fiennes et Rachel Weisz.
Convictions et engagements
John Le Carré reste un homme engagé.
D’abord, il y a cet affrontement par lettres interposées avec Salman Rushdie, en 1977, autour de l’Islam. Les deux auteurs finissent par exprimer leurs regrets et affirmer leur respect mutuel.
Ensuite, en 2003, il s’oppose à l’intervention américaine en Irak. Ainsi, il critique Tony Blair pour son alliance avec l’administration néoconservatrice de George W. Bush, « dont il est devenu le ménestrel. »
Enfin, dès 2016, il ne cessa de dénoncer « ce putain de désastre » qu’était pour lui le Brexit. Il prendra même la nationalité irlandaise, juste avant sa mort.

Il décède le 12 décembre 2020 à Truro dans les Cornouailles.
Hakim Aoudia.
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