Ronnie Singer : l’étoile filante de la guitare jazz !
Dans un précédent article consacré au guitariste Billy Bean, nous avions abordé la notion de « musicien-ne pour musicien-ne-s ». Ronnie Singer en est un exemple flagrant et on ne sait presque rien de cet étoile filante de la guitare jazz, né le 9 juin 1928 à Chicago, qui s’est suicidé le 21 décembre 1953 à New York, en compagnie de son épouse, alors qu’il n’était âgé que de 25 ans.

Le peu d’informations, à son sujet, proviennent de musiciens qui l’ont côtoyé et les commentaires de ces derniers sont élogieux :
Harry James :
« Ronnie Singer est le meilleur guitariste que j’aie jamais entendu. »
Lou Levy :
« Ronnie Singer est une très grande perte… Il aurait été l’un des plus grands de tous les temps. »
Jimmy Gourley :
« J’ai beaucoup appris de Jimmy Raney. Il était fantastique. Tout y était déjà. Il m’a énormément influencé. Mais il y avait aussi un autre guitariste de Chicago qui était l’égal de Jimmy. Personne ne le connaît car il est mort très jeune. Il s’appelait Ronnie Singer. Il a joué avec Artie Shaw. Ces deux gars étaient extraordinaires. On était toujours ensemble ; et lorsqu’on ne travaillait pas on se réunissait pour écouter des disques, ou pour fumer. Comme je n’avais pas joué pendant deux ans (à cause de l’armée), j’ai vraiment ressenti le fossé qui me séparait d’eux. Je n’étais pas très fort en harmonie, mais je ne m’en étais pas vraiment rendu compte ; jusqu’au jour où je les ai rencontrés. C’est alors devenu évident : j’ai compris ce qu’il me fallait faire pour avoir le niveau. Souvent inconsciemment, mais aussi parfois consciemment, j’ai copié le jeu de Jimmy et de Ronnie. Pour atteindre une certaine intelligence musicale, il me fallait surmonter les difficultés techniques. Et je ne parvenais pas à m’exprimer aussi bien que je l’aurais voulu parce que j’étais encore en phase d’apprentissage. Je n’étais pas libre. Jimmy, Ronnie, Lou (Levy) l’étaient, eux, et comme on se réunissait tout le temps, ça m’a beaucoup aidé. Il y avait une sorte d’émulation qui démultipliait notre conscience de la musique. J’ai beaucoup appris de Jimmy Raney. Pas en prenant des leçons, mais en le regardant. Ronnie Singer avait deux ans de moins que nous. Quel talent ! C’était incroyable ! Il était aussi fort que Jimmy Raney que j’adorais, mais je trouvais Ronnie plus lyrique. Quand j’ai rappelé cela à Lou (Levy), bien des années plus tard, il m’a dit : « C’est parce qu’il était juif ! » Un jour, j’avais invité Ronnie à la maison et l’avais laissé quelques instants, seul avec ma mère. A mon retour, il m’a dit : « Ta mère n’aime guère les Juifs ! ». J’étais furieux, je suis allé trouver ma mère pour la sermonner et elle a eu le culot de me répondre : « Je ne pensais pas qu’il était juif, il n’a pas l’air juif ! ». Elle était très raciste, et à la fin de sa vie cela a empiré, elle disait même du mal des Irlandais, alors que nous avons des origines irlandaises ! Ronnie m’a appris à jouer « Half Nelson », de Miles Davis, dans le registre aigu. Chuck Wayne pensait que ça se jouait une octave plus bas. Je l’ai envoyé promener… Et finalement Ronnie s’est installé à New York pour rejoindre l’orchestre d’Artie Shaw. Mais il se droguait avec sa femme, c’était la grande époque de l’héroïne : on les a retrouvés morts tous les deux, dans une chambre d’hôtel, ils s’étaient suicidés ! »
Un début de carrière prometteur
Il était actif sur la scène Jazz de Chicago vers la moitié des années 1940, puis sur celle de New-York, de la fin des années 1940 à sa mort, où il a joué avec Charlie Parker, Zoot Sims, Red Rodney, Lou Levy, Lee Konitz, Al Levitt, Sonny Stitt et l’orchestre d’Artie Shaw.
Aucun enregistrement officiel
Malheureusement, il n’existe aucun enregistrement officiel de Ronnie Singer. Des enregistrements incomplets de Tea for Two, Indiana et Shine, captés à New-York au début des années 1950 et appartenant à Jimmy Gourley sont disponibles.
Malgré le relative mauvaise qualité de ces bandes sons, on découvre un jeu très proche de celui de Jimmy Raney (à la première écoute on peut même les confondre, il faut dire que Singer jouait sur une Gibson ES-150 Custom noire (Ebony), la même guitare que Raney).
Avec une écoute plus attentive, on remarque une approche du jeu plus active, plus directe, un phrasé beaucoup plus fluide que celui de Raney ; le prototype même du guitariste de jazz Bebop, qui a assimilé l’apport de Charlie Christian et dont le jeu contient déjà la modernité à venir.
Pour les puristes, sachez qu’un guitariste de Jazz néerlandais, Axel Hagen, à mis en ligne sept autres bandes sons, de moindre qualité.
S’il existe un paradis des jazzmen, nous espérons qu’il y coule des jours heureux en compagnie de son épouse, sinon, gageons que notre humble subside contribuera à le faire sortir, ne serait-ce que momentanément, de l’anonymat.
Hakim Aoudia.
Joyce Singer
Beautiful, sensitive people have made this historic record of my brother and his beautiful wife. Words can't express how touched I am. There's so much more to be said of Ronnie's life, but this prelude is a great accomplishment.
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